A travers la Mauritanie, le désert et une dune

DÉSERT – Vaste étendue minérale sablonneuse et caillouteuse, succession de paysages magiques et surprenants…
DUNE – Amas sablonneux au sommet duquel il est bon de s’assoir et de se poser pour apprécier la beauté et la quiétude du désert.

Nouakchott (Mauritanie), 3 octobre 2002

Les paysages arides nous en indiquaient les prémices depuis Tiznit au Maroc, mais pour moi le désert débute vraiment là, juste après avoir franchi la douane Mauritanienne. Débarrassé de toutes tracasseries administratives et rassuré par la présence de notre guide qui a pris le volant, je commence à profiter de la beauté de ce qui m’entoure, en rêvant les yeux ouverts.

Après un nouvel ensablement (une mauvaise inspiration d’Ahmed qui attaque de front une dune infranchissable d’au moins dix mètres de haut), et le passage d’une petite côte rocailleuse assez difficile, l’immensité désertique s’offre à nous. Nouadhibou et l’océan sont loin, il n’y a que du minéral, sable et roches, à perte de vue.

“Comme c’est beau le Sahara, mais qui a inventé tout ça ?…” (France Gall)

Premières impressions sur le désert dans notre cabane au milieu de nulle part :
[ Vu par Cissou + Musique Mauritanienne – 103 Ko]
[ Vu par Philou – 92 Ko]

Malheureusement, le conducteur de la Mercedes qui nous accompagnait était pressé. Ahmed aussi, alors on a foncé, sans détours. Nouakchott ralliée en moins de 36 heures, le Banc d’Arguin traversé à fond les ballons sans prendre le temps de faire une seule pause, et le dernier tronçon effectué de nuit à cause de la marée. Alors je garde un goût amer de cette transsaharienne, comme un regret, une immense frustration. Peu d’images me reviennent, et si peu de souvenirs de ces paysages que j’avais tant rêvés de contempler, à m’en brûler les yeux. J’ai l’impression d’avoir été “privé de désert”…

[ Commentaire matinal de Cissou dans le désert + Musique mauritanienne – 58 Ko]

J’avais rêvé de moments d’éternité, de solitude et de silence. J’avais rêvé de marcher dans les dunes, de courir dans les dunes, de m’asseoir dans les dunes, de dormir dans les dunes en regardant les étoiles. J’avais rêvé d’assister à des levers de soleil, à des couchers de soleil, j’avais rêvé de prendre le temps de contempler l’immensité désertique. J’avais rêvé de me retrouver là, loin du monde et des gens, près de moi. J’avais rêvé de rencontrer l’Alchimiste ou le Petit Prince, j’avais rêvé de ressentir en ce lieu la même émotion que Théodore Monod, et de vibrer comme St Exupéry…

“J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant, quelque chose rayonne en silence…” (Antoine de St Exupéry, Le Petit Prince)

Le désert est passé, les rêves aussi.

Ébloui par la lumière et la beauté de tout ce qui défilait bien trop vite autour de moi, je n’ai rien vu, rien retenu. Envolés le plaisir, la magie, l’émotion ressentie. Il ne me reste que les souvenirs pénibles et difficiles, le désert souillé par les ordures et le plastique, la misère des villages traversés, les incessantes sollicitations des habitants petits et grands, la pauvreté des contacts humains avec les maures…

Il y avait mille lieux magiques – et “déserts” – pour faire des pauses et passer la nuit. Lorsque la marée nous impose un arrêt, Ahmed choisit un misérable village de pêcheurs en bord de mer, où nous passons quelques heures difficiles avec les habitants.

[ Commentaire de Philou dans le village en soirée (“tout colle…”) – 100 Ko]

Nous fuyons un moment une ambiance plutôt malsaine pour aller marcher dans le désert, mais pour y croire vraiment, j’ai besoin de rejoindre les dunes, de m’éloigner de ce village. J’abandonne mon Philou pour aller m’asseoir sur une dune au soleil couchant… (je me laisse d’ailleurs surprendre par la nuit, ce qui provoquera une grosse colère de mon Philou : “j’aime pas ces plans-là c’est tout !”)

Après un Bolino et deux plats de moutons Mauritaniens (partagés à contre coeur avec quelques hommes qui mangent comme de véritables gorets), je commence à m’endormir avec un sentiment plus que mitigé sur cette journée… Je ne sais pas encore que le pire est à venir.
Vers 22 heures, Ahmed annonce que la marée est favorable et qu’il faut repartir ! Le calice jusqu’à la lie : ces trois heures de trajet nocturne sont pour moi un véritable calvaire. Fatigué et contrarié de partir de nuit sans pouvoir profiter des images du désert et du bord de mer, guère rassuré par la vive allure à laquelle Ahmed mène Titine sur la piste, je me cramponne à mon siège en le maudissant et en serrant les fesses et les dents, sans dérider. Je n’ouvre la bouche qu’à une seule reprise, pour lui demander de lever un peu le pied, ce à quoi il me répond laconiquement “mais, on risque de perdre la Mercedes…”
photo desert mauritanie – cliquez ici pour voir en grand Je pousse un ouf de soulagement lorsque nous nous arrêtons pour une pause dodo à une heure du mat’, alors que les lumières de Nouakchott sont en vue.

C’est fini, Titine a tenu admirablement le choc, nous pouvons dire que nous avons vaincu le désert. Mais cette victoire me procure beaucoup plus de frustration et d’amertume que de satisfaction et d’enthousiasme…