Après la brousse, la jungle !

Dakar (Sénégal), 9 avril 2003

L’heure s’enfuit, fugitive elle passe
Comme un oiseau dans les grands cieux
Il faut marcher, il faut franchir l’espace
Car notre temps est précieux…
En travaillant tous les jours sans relâche
L’ouvrage est fait avant la nuit
Le paresseux, sommeillant sur sa tâche,
Ne songe pas aux jours qui fuient…
(Chanson d’école entendue dans une classe au Burkina)

Salut les toubabs ! Je suis de retour en Sénégaule après un merveilleux voyage en avion sans péripétie et sans retard. Que c’est beau l’Afrique vue du ciel, la brousse, le désert, les méandres du fleuve Niger ! J’ai même eu droit à une courte escale à Bamako, histoire de voir tout ça d’un peu plus près. Pour tout dire, c’était assez jouissif de survoler d’une traite tous ces somptueux paysages et ces grands espaces que j’avais traversés si laborieusement par voie terrestre !…

De retour en Sénégaule, mais pas encore “chez moi”, que le chemin est long pour retrouver N’Dangane et la brousse ! Après avoir dû passer trois jours à Ouaga, me voici coincé sur Dakar depuis une semaine. J’avais confié Titine aux bons soins de mon ami Amath – qui sera aussi son futur propriétaire en juillet – et manque de bol, il s’est fait tamponner par un minibus qui n’avait pas de freins… enfin, un minibus qui avait encore moins de freins que les autres ! Rien de très grave, une petite cicatrice pour Amath qui a fendu le pare-brise d’un coup de boule (vous avez déjà vu un sénégalais avec la ceinture, vous ?), et un peu de tôle froissée pour Titine (et ma belle peinture, vandales !). Je dois la récupérer incessamment sous peu, pour accueillir Jacques et Cécile vendredi, les “sages” de Jangalekat (la vieille garde,quoi !), direction N’Dangane dans la foulée.

En attendant ? Je m’occupe comme je peux, mais décidément je me sens mieux dans la brousse que dans la jungle. Ouaga-Dakar même combat, circulation , bruit, pollution, sollicitations… A Ouaga j’avais alterné mes journées entre siestes, lecture, séances de cyber et séances de ciné à 3,50 F, et j’avais un peu trouvé le temps long, pressé de revenir au Sénégal. A Dakar, j’ai l’immense avantage d’être logé chez Amath avec la famille… et de pouvoir me remettre au boulot pour Jangalekat sans attendre le retour à N’Dangane. Eh oui ! J’ai déjà fait un fabuleux voyage au cours de ces 6 premiers mois, mais si au moment du retour je n’ai pas atteint les objectifs de travail que je me suis donné pour l’asso, mon aventure sera incomplète, inachevée… et je ne veux pas avoir de regrets.

Hier, je suis donc allé prendre contact avec les hautes sphères éducatives du pays. Première étape : le ministère de l’Education Nationale. J’avais pris soin mettre un pantalon cette fois, parce que il y a trois mois je m’étais fait refouler à cause de mon bermuda (mais ?! c’est ma tenue de travail !…) J’ai donc mis mon grand boubou de “baïfal” en patchwork : je suis rentré sans problèmes. Faudra que j’essaie de réussir pareille performance en France avec la même tenue !
Après dix bonnes minutes passées dans un dédale de couloirs ne comportant aucune indication, j’obtiens mes renseignements : “La division préscolaire ? Ce n’est plus ici, c’est au building administratif, à côté de la Présidence… Non, la division de l’Alphabétisation c’est pas là non plus !” Bon, ça commence fort !

Je ressors bredouillle, mon plan de Dakar dans la main (pas très malin quand on cherche à ne pas passer pour un touriste…), direction le palais de la Présidence. Ah non, zut, ça c’est l’Assemblée Nationale ! Ah, mon sens légendaire de l’orientation… J’arrive à retrouver le palais et donc le fameux building administratif. Fameuse idée ça, de regrouper les trois quarts des services administratifs du pays dans un seul bâtiment, c’est pas du tout le bazar à l’entrée.
“La division préscolaire ? 6ème étage…” Là j’ai pris l’ascenseur pour la première fois au Sénégal. C’est assez surprenant, il y avait un gars assis sur une chaise, chargé d’appuyer sur les boutons… Je sais, il n’y a pas de sot métier, mais quand même ! 6ème étage, “minstre de la famille et de…” Je me renseigne : “Ah non, monsieur, le préscolaire et la case des tous-petits c’est maintenant Place de l’indépendance…” Je souris, c’est là que le taxi m’avait posé le matin même !
Avec un peu de marche et beaucoup de patience, j’ai fini par trouver ma division, et aussi celle de l’alphabétisation sans trop de problèmes. J’ai même réussi à obtenir un rendez-vous avec leurs 2 grands chefs pour vendredi, faudra que je présente bien… (je repasserai mon grand boubou !)

A part ça ? Dans la journée on a proposé de me vendre 14 paires de Ray-Ban, 22 cassettes ou CD, 35 paquets de kleenex, autant de cigarettes, 5 maillots de l’équipe du Sénégal, 2 boubous en échange du mien, 147 bracelets et colliers, un djembé et puis des masques, des bananes, des magazines, des cartes de téléphone, des étuis de portable, etc. Sans compter tous les gosses des rues, les handicapés, les mendiants et les faux marabouts qui réclament une petite pièce… et les petits malins qui cherchent à sympathiser : “c’est pas à toi que j’ai vendu le collier hier ?” ou “tu loges pas à l’hôtel de la Plage ?”. Eux, c’est plutôt le gros billet que la petite pièce qu’ils cherchent à obtenir… et j’ai déjà donné ! Ah… Dakar, mon amour.

Allez, c’est pas tout négatif non plus cette semaine à Dakar, je peux suivre la guerre et les infos françaises sur TV5 à la télé chez Amath tous les jours, j’ai réussi à trouver une vraie librairie digne de ce nom à Dakar (j’étais en panne de bouquins), et y’a des cybers tous les cent mètres… J’ai quand même hâte de retrouver l’ambiance paisible de N’Dangane, le calme de la brousse, le thiep bou dien en famille chez Moussa, les séances de thé, le bar de Tata Odile… ça m’a un peu manqué ! D’autant plus impatient que je vais avoir plein de visites  au cours des quatre mois à venir. Quatre mois ? Plus que quatre mois ? Pfffff, ça file…

Allez, je vous abandonne sur cette dernière réflexion en prise directe avec l’actualité :  “Dans une guerre, quel que soit le camp qui puisse se déclarer vainqueur, il n’y a pas de gagnant, il n’y a que des perdants” (Neville Chamberlain)

Prenez soin de vous…

Cy-real, de Dakar