Éloge de la lenteur

N’Dangane, dimanche 18 juillet 2010

Le dimanche est une journée qui commence comme les autres, par un rendez-vous autour du café touba de Khady. Mais c’est aussi le jour du marché de N’Gohé… et du m’borrou ak chocolat avec le café.

Moussa et les briques

Comme la veille, Bichetteka repart  avec  enthousiasme  avec Moussa voir le terrain de Magib pour une expertise avec un “technicien” (?), prendre quelques mesures et quelques photos.

En attendant, je savoure un autre café Touba avec Pape Kane, dont la radio diffuse en ce dimanche matin des chants… catholiques. Nous échangeons quelques mots. Je lis quelques pages d’un bouquin de Kundera que m’a prêté Bichetteka : “La lenteur“. Et je saisis mieux la valeur des ces moments d’attente ou d’inaction, “à contempler les fenêtres du bon Dieu…”

Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ? Ah, où sont-ils, les flâneurs d’antan ? Où sont-ils, ces héros fainéants des chansons populaires, ces vagabonds qui traînent d’un moulin à l’autre et dorment à la belle étoile ? Ont-ils disparu avec les chemins champêtres, avec les prairies et les clairières, avec la nature ? Un proverbe tchèque définit leur douce oisiveté par une métaphore : ils contemplent les fenêtres du bon Dieu. Celui qui contemple les fenêtres du bon Dieu ne s’ennuie pas ; il est heureux. Dans notre monde, l’oisiveté s’est transformée en désœuvrement, ce qui est tout autre chose : le désœuvré est frustré, s’ennuie, est à la recherche constante du mouvement qui lui manque.

Je regarde dans le rétroviseur : toujours la même voiture qui ne peut me doubler à cause de la circulation en sens inverse. A côté du chauffeur est assise une femme ; pourquoi l’homme ne lui raconte-t-il pas quelque chose de drôle ? Pourquoi ne pose-t-il pas la paume sur son genou ? Au lieu de cela, il maudit l’automobiliste qui, devant lui, ne roule pas assez vite, et la femme ne pense pas non plus à toucher le chauffeur de la main, elle conduit mentalement avec lui et le maudit, elle aussi.
(Milan Kundera, La lenteur)

C’est l’ami Ibou qui vient mettre un coup d’accélérateur dans cette matinée, en se montrant ponctuel au rendez-vous de 10 heures pour nous emmener avec sa R11 au marché de N’Gohé. Comme son véhicule montre une petite faiblesse côté réservoir, il s’arrête à la station de Fimela pour remplir… une grosse bouteille en plastique de 10 litres (le 10 de Kirène). Lorsque qu’il ouvre son capot un peu plus loin, nous découvrons que la voiture est équipée à l’avant d’un tout petit réservoir en plastique ! Je ne trouve pas la solution très sûre, mais cela fait beaucoup marrer Ibou.

C’est avec lenteur (pour économiser le carburant !) et en silence que le voyage se poursuit jusqu’à N’Gohé, seulement animé par la rencontre avec un troupeau de zébus. Au marché, pas un grand choix de tissus au grand dam de Bichetteka… qui se rattrape avec des tasses en couleur et des calebasses. Pour ma part, c’est surtout l’estomac qui parle, et je m’offre un repas BBB (beignets, bissap, bananes). Claire attendra le retour au Mazet pour avaler un sandwich “Vache qui rit” et une mangue. De sacrés repas du dimanche !

Nous faisons rapidement le tour de ce petit marché (pas transcendant), avant de rentrer à N’Dangane pour une grosse sieste. Au réveil, je vais piquer une tête dans le Saloum, pendant que Bichetteka va palabrer du côté des Piroguiers pour une “conférence de presse” organisée avec Pô Kane (Wakh feign…).

Je savoure la lenteur de ce dimanche après-midi : baignade, douche, lecture (j’entame le lecture du roman “À l’est d’Eden“, recommandé par Karine avant le départ. Bon, il a un peu pris l’eau lors du voyage sur le toit du car entre Dakar et N’Dangane…).

La fin de la journée ne sera pas moins agréable et douce : une bière aux Piroguiers, un sandwich grillades chez Fa, où Bissane est encore là pour blaguer. Entre temps, nous avons négocié le tarif d’une pirogue (35.000 CFA) pour aller à Bassoul mardi matin.

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