Dakar et l’île de Gorée

La journée : samedi 21 juillet 2001

Arrivée sur l'île de Gorée
 Arrivée sur l’île de Gorée

Petit dej’ à l’hôtel et change de l’argent français avec un “homme d’affaires” local. Trajet piéton dans les rues de Dakar pour rejoindre l’embarcadère pour Gorée. Tour du marché casaçais, puis départ pour Gorée avec notre guide “le colonel”. Visite de la maison des Esclaves (musée-mémorial) et petit tour de l’île à travers les ruelles paisibles ; gargote à midi (poisson grillé) puis baignade sur la petite plage loin de la foule, à l’écart du débarcadère. Retour par la navette de 16h30, arrivée à Dakar au moment où les footballeurs obtiennent leur billet pour la coupe du monde ! Début de défilé, images de fête et concert de klaxons sur l’avenue Pompidou. Petit tour en centre ville en début de soirée (cybercafé) puis bar tranquille tous ensemble. Fin de soirée à la dibiterie Haoussa avec Loïc, Pap’, Nanie et Pascal.

Un chiffre
28 – En degrés celsius, l’estimation de la température de l’eau par Daniel sur la petite plage de Gorée. Une vraie soupe, jamais l’océan ne m’était apparu aussi chaud et aussi accueillant. Deux ans plus tôt, sur les côtes marocaines d’Essaouira, je m’étais baigné dans une eau à 16 degrés en plein mois d’août, j’ai peine à croire qu’il s’agisse du même océan !

A voir / à faire

Le Joola dans le port de Dakar en 2001
 Le Joola dans le port de Dakar en 2001

Le marché casaçais près de l’embarcadère – La rade de Dakar est animée en ce début de matinée. Sur le quai, le Joola est amarré : c’est ce fameux bateau qui fait le lien entre Dakar et la Casamance, auquel Thalassa avait consacré un reportage quelques mois plus tôt. Juste à l’entrée, nous explorons le marché casaçais où sont exposés les produits venus de cette région située de l’autre côté de la Gambie et considérée comme le “grenier” du Sénégal : fruits et poissons essentiellement. Le tableau est pittoresque, mais les odeurs de poissons en train de sécher sont à la limite de l’insoutenable… Les mouches s’en donnent à coeur-joie !

L’île de Gorée – La “chaloupe” (un petit bac) qui nous mène à l’île est bondée : l’île est un lieu de détente très prisé, tant par les touristes que par les autochtones. Gorée n’en a pas moins conservé tout son charme et c’est un réel plaisir de parcourir ses ruelles paisibles au milieu des maisons colorées en prenant le temps.

Les maisons en couleur de Gorée
 Les maisons en couleur de Gorée

Nous découvrons les premiers arbres emblématiques du Sénégal (fromagers, baobabs). La visite s’achève au sommet de l’île, près des canons du Castel qui ont un jour abattu un navire ; le lieu du naufrage est symbolisé par une bouée que les bateaux doivent contourner en arrivant sur l’île. Nous redescendons pour profiter d’une petite plage quasi-déserte, cadre très sympa pour notre première baignade.

Gorée, la maison des esclaves
 Gorée, la maison des esclaves

La maison des esclaves de Gorée – Musée-mémoire et lieu hautement symbolique de l’esclavage, il y règne une étrange ambiance… Ici, nous explique le conservateur du musée, ont transité des millions d’africains en partance pour les colonies européennes situées sur le continent américain (le célèbre commerce triangulaire). De leur côté, le Guide du Routard et le Lonely Planet tempèrent cette opinion en rappelant que si le lieu a réellement servi de lieu d’embarquement, il n’a pas été la plaque tournante du commerce des esclaves comme le dépeignent les autorités sénégalaises…

Le lieu garde néanmoins toute sa solennité, appelant au recueillement et au devoir de mémoire collective.

Le discours très éloquent du conservateur se termine sous les applaudissements… déclenché par une autre personne du musée, qui frappe deux fois dans ses mains juste pour amorcer une salve collective dépourvue de toute spontanéité !

Souvenirs-sourires…
Business sénégalais – Loïc a négocié pour nous la venue matinale à l’hôtel d’un autochtone pour changer nos francs français en francs CFA, afin d’éviter le coup de massue de la commission des banques. Celui-ci nous présente sa carte d’homme d’affaires, il a des billets plein les poches, cachés sous son boubou ! Au bout d’âpres négociations pour calculer ses frais de commission à deux pour cent, tout le monde obtient satisfaction. Après avoir soigneusement rangé nos billets dans ses poches, l’individu se lève pour nous quitter en disant : “Ah, je suis bien content de vous, vraiment !”

"Pièces dans l'eau pièces dans l'eau..."
“Pièce dans l’eau pièce dans l’eau…”

“Pièce dans l’eau pièce dans l’eau !” – Notre chaloupe est sur le point d’accoster sur Gorée, et de nombreux gamins se pressent sur le quai comme pour nous accueillir. Presque imprudemment, les voilà qui se jettent bientôt à l’eau juste devant le bateau, pour nous crier d’en bas : “pièce dans l’eau pièce dans l’eau !”. Cela ressemble fort à un rituel touristique, dans lequel les gamins attendent que les nouveaux arrivants jettent une pièce en espérant l’attraper… ou la récupérer au fond ! La compétition est acharnée et après chaque pièce glanée, les appels recommencent : “pièce dans l’eau pièce dans l’eau pièce dans l’eau !”

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Pièce dans l'eau pièce dans l'eau
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Oui mon colonel ! – Notre guide officiel pour Gorée est surnommé “le colonel” ; il nous accueille avant l’embarquement : “Bonjour la famille du Colonel !…” Derrière ses allures de rasta sénégalais, un rien flegmatique, le personnage est avant tout un conteur hors pair qui connaît la culture et l’histoire de l’île sur le bout des doigts. Il manie l’humour avec un certain talent, nous expliquant notamment l’origine du nom des tirailleurs sénégalais : «Comme ils n’avaient jamais appris à tenir un fusil, ils n’atteignaient jamais leur cible et on disait : “ils tirent ailleurs…” »

Une ambiance

Les lions décrochent le monde !“Le Sénégal retient son souffle” ; “Rendez-vous avec l’histoire” : la presse locale s’enflamme, c’est un jour historique pour le pays. L’équipe nationale de football est en effet en passe de se qualifier pour la première fois de son histoire pour la coupe du monde 2002. Le peuple sénégalais est en effervescence, ici le foot est le grand sport national avec la lutte : c’est l’espoir de toute une nation que portent en eux les footballeurs. Nous sommes encore à Gorée lorsque la rencontre débute, tous les postes de radio de l’île sont allumés.

Match en direct à la télé sur un marché
 Match en direct à la télé sur un marché

Le Sénégal doit s’imposer largement sur la Namibie et espérer une contre-performance de l’Egypte en Algérie. Les “lions” marquent rapidement : et 1, et 2, et 3-0, c’est bien parti ! Le résultat final devrait tomber vers 17 heures, l’heure prévue de notre retour en centre ville… chaude ambiance en perspective si le Sénégal se qualifie ! De retour de Gorée, nous remontons une ruelle près du port et nous nous arrêtons près d’un groupe de sénégalais massés devant l’un des rares postes de télé pour voir la fin du match Algérie-Egypte ; il y a match nul, c’est tout bon pour les lions qui ont gagné 5-0 !

Survient le coup de sifflet final… Cris de joie et applaudissements dans toutes les rues, à tous les étages ! Les premiers klaxons retentissent, certains courent de joie en levant les bras, quelques drapeaux nationaux s’agitent. Nous échangeons sourires et gestes complices pour partager ce moment avec les sénégalais, nous les applaudissons, leur bonheur fait plaisir à voir ! Nous remontons lentement vers l’hôtel, situé sur LA grande avenue de Dakar, où est en train de s’improviser un extraordinaire défilé dans une ambiance de cris, de chants et de klaxons. Les moteurs rugissent, minibus, taxis, voitures, mobylettes surgissent de tous les côtés ; chaque véhicule est pris d’assaut, les piétons montent sur les pare-chocs, sur les capots, sur les toits… Ils sont une bonne dizaine sur la galerie d’un minibus, et bien davantage serrés à l’intérieur ! Dans l’euphorie, certains poussent dangereusement l’accélérateur alors que les trottoirs sont bondés… Les mobylettes slaloment, une moto passe à près de 100 km/h, une Mercédes blanche remonte l’avenue à fond en marche arrière, pourvu qu’aucun accident ne vienne gâcher la fête !

Un vent de folie souffle sur Dakar, quelle chance d’être là, de vivre ce moment unique, de partager la liesse… Cela rappelle une certaine victoire française en coupe du monde, toute l’exubérance et la gouaille africaine en plus !

Bouilles de mômes
Sur toutes les plages… – La plage principale de Gorée est bondée : il y a des dizaines de gamins dans l’eau qui jouent, qui rient et qui s’amusent. Je souris en fredonnant :

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Jean-Louis Aubert - Les plages
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Sur toutes les plages du monde
Sur toutes les plages y’a des mômes
Qui font signe aux bateaux
Sur toutes les plages de tous les coins
Y’a des mômes qui tendent la main
Aux navires de passage
Et si pour toi, là bas c’est l’ paradis
Dis-toi qu’dans leur p’tite tête le paradis, c’est ici…
(Jean-Louis Aubert)

Deux gazelles toubabs se glissent au milieu de cette joyeuse “marée noire”, Céline et Marion ne passent pas inaperçues ! Elles sont l’objet de multiples attentions de la part des petits sénégalais qui leur renvoient leurs sourires, sous l’œil amusé d’Annie…

Et au menu :
Chawarma et mangue – Repas pris sur le pouce dans la chaude ambiance de la soirée dakaroise, Nanie Pascal et moi nous offrons un chawarma : viande épicée, oignons et tomates roulés dans un petite galette qui me rappelle le gyros pita grec. Et à toute heure, au petit dej’ comme au bout de la nuit, personne ne se refuse une petite tranche de mangue, et surtout pas Daniel qui s’en régale à la moindre petite occasion.

« Mon premier Paris-Dakar…

Dakar, de Sendaga à N’Gor »»