La journée : mercredi 1er août 2001
Départ matinal de N’Dangane : piste vers Joal impraticable en raison des intempéries liées à la saison des pluies ; gros détour par la route via M’Bour et la petite côte. Arrêt à Joal, à l’entrée du pont de l’île catholique de Fadiouth : répartition en petits groupes de quatre avec les guides officiels, visite du village et de l’île aux coquillages qui fait office de cimetière. Boutique artisanale de souvenirs puis resto au campement Le palétuvier. Reprise de la route vers Toubab Dialao, Hassan “à fond à fond” sous la pluie !… Installation à l’hôtel Sobo Bade “chez Gérard”, facteur cheval sénégalais. Bonne sieste, repas et veillée contes conclue par l’incontournable thé d’Amath.
Un chiffre
137 – En années, la durée de vie de la grand-mère de notre guide, décédée quelques années plus tôt. Nous visitons le cimetière de Fadiouth lorsque l’ami Ousmane se laisse aller à cette surprenante confidence : oui, sa grand-mère détient le record de longévité absolue, et le Guinness Book n’est même pas au courant !
A voir / à faire
Fadiouth – Lieu classé au patrimoine historique de l’Unesco, la petite île de Fadiouth (jumelée à la ville voisine de Joal) est un endroit de rêve. On ne peut y accéder qu’à pied par l’immense passerelle qui part de l’embarcadère de Joal ; éventuellement en pirogue. Ses petites rues respirent la tranquillité ; l’église est magnifique, et je regrette presque de ne pouvoir assister à une célébration dans la plus pure tradition locale. Derrière l’île, les greniers à mil sur pilotis constituent une réserve de sécurité en cas d’incendie. Si je ne devais garder qu’un souvenir de cet endroit, ce serait son calme : personne n’est pressé ici, la vie semble s’écouler moins vite qu’ailleurs…
L’île aux coquillages – Nous empruntons une seconde passerelle pour rejoindre la petite île qui abrite le cimetière de Fadiouth, l’un des seuls au monde à accueillir aussi bien les sépultures catholiques que musulmanes.
L’île qui abrite les tombes est un immense amas entièrement constitué de coquillages ; un petit baobab trône à l’entrée ; la vue sur Fadiouth est magnifique. Dans la partie catholique, je souris avec Nanie en découvrant sur les tombes les prénoms très français des défunts : Marguerite, Etienne, Madeleine… Pas fan des cimetières en général (mis à part celui du Père Lachaise qui m’avait emballé), je trouve à ce lieu de recueillement un charme particulier.
Sobo Bade, palais du facteur cheval sénégalais – L’hôtel qui nous accueille à Toubab Dialao ne ressemble à aucun autre. Gérard, le propriétaire est un français, un original ; un artiste surtout, qui a patiemment organisé l’architecture et la décoration des bâtiments.
Murs, toits, voûtes, chambres, couloirs, escaliers, statues, le bonhomme a marqué chaque pierre de son inspiration créatrice, et son oeuvre est en perpétuelle évolution : l’ensemble est magnifique. Chaque pays a son facteur cheval, et Sobo Bade a sans doute été conçu avec la même passion que le palais idéal d’Hauterives (c’est un lieu féerique à visiter dans la Drôme… que je n’ai toujours pas visité moi-même d’ailleurs !)
Souvenirs-sourires…
Bonnes affaires avec Ousmane – Aussi sympathique et drôle qu’il puisse être, notre guide ne perd pas pour autant la bosse du commerce et n’oublie pas, au cours de la visite, de nous faire passer devant quelques boutiques d’artisanat local. Nous nous arrêtons notamment dans celle de son “cousin”, et pendant que nous jetons un regard intéressé sur les statuettes d’ébène, les pantalons africains, les awalés ou les djembés, Ousmane attend patiemment à l’extérieur comme si de rien n’était. Nous avons commencé à marchander avec le cousin, mais comme les négociations sont au point mort, Ousmane intervient avec sa grosse voix pour lui demander de faire un geste en notre faveur, parce que nous sommes de bons clients français qui achetons beaucoup… Tout le monde finit par trouver son compte et particulièrement le cousin (ici ils sont tous un peu cousins !), puisque les trois guides de notre groupe ont fini leur visite ici : un awalé pour Nanie et Pascal, une casquette pour remplacer celle abandonnée à M’Boro, un pantalon africain et deux statuettes pour moi, un djembé pour Clervie… la palme revient à Virginie et Fabienne qui reviennent toutes les deux les bras chargés de souvenirs !
Les contes de Tonton Cyril – La fin du voyage approchant, bien installés à Sobo Bade après un bon repas, le groupe se rapproche pour partager les dernières heures du séjour. Le djembé ramené par Clervie de Fadiouth ne manque pas de m’inspirer : il faut dire que j’avais passé les trois derniers mois à jouer avec le mien à l’école, ce qui avait fasciné mes p’tits bouts de maternelle. “Si Clervie accepte de me prêter son djembé, je vous raconte une histoire…” dis-je malicieusement. Tout le monde se rassemble alors autour de moi dans l’une des chambres, quelqu’un baisse la lumière, et je commence à tapoter le djembé pour plonger tout le monde dans l’ambiance. Je commence par le conte du champ maudit (“mais qu’est-ce que tu fais ?”) ; j’adore cette histoire, car elle passionne autant les petits que les plus grands. Quelques sourires accueillent la morale finale… Comme le public semble réceptif et demandeur, j’enchaîne par quelques classiques : les gros cailloux, le petit garçon et les clous, le secret du bonheur (extrait de l’alchimiste)… La soirée se termine dans la douceur de la nuit sénégalaise, autour de l’incontournable thé de mister Amath.
Une ambiance
Fadiouth, l’île de la réconciliation – Fadiouth est une anomalie dans un pays essentiellement musulman : l’île abrite quatre vingt dix pour cent de catholiques et seulement dix pour cent de musulmans. Mais ici, respect et tolérance ne sont pas des vains mots : les deux communautés cohabitent sans histoires dans la paix et la fraternité. Lorsqu’un décès survient, tous les habitants du village sans distinction de croyances accompagnent le corps au cimetière et portent le deuil. Un modèle d’humanité, qui pourrait inspirer bien des régions du monde tiraillées par d’interminables querelles religieuses…
Bouilles de mômes
Petit d’homme – Nous traversons les ruelles paisibles de Fadiouth et nous approchons de la grande église catholique, lorsque nous passons à côté d’un groupe d’enfants en train de jouer assis par terre. Quelques uns nous disent bonjour, l’un des plus petits abandonne précipitamment son jeu et s’accroche à ma main avant même de prendre le temps de se lever… Il m’accompagne ainsi pendant quelques secondes, avant de s’enfuir effrayé par Ousmane à l’entrée de l’église. Brève rencontre…
Et au menu :
Talalé et pépéchou ! – La pluie commence à tomber à la fin de la visite : nous allons nous mettre à l’abri au campement “le palétuvier”, qui donne sur les greniers à mil. Il n’y pas assez de poisson grillé : pour aller plus vite, tout le monde commande un talalé, sorte de couscous sénégalais. Tout le monde ? Non, pour me distinguer, je commande un poisson grillé appelé “pépéchou”. Nous sommes servis au bout d’une heure ; mes collègues apprécient leur couscous, tandis que je repousse mon assiette de pépéchou au bout de trois bouchées : c’est terriblement épicé, j’ai la bouche en feu ! Je suis incapable d’avaler quelque chose de plus, je suis écœuré et insensibilisé à toute sensation gustative pour un moment… Ça m’apprendra à vouloir me faire remarquer !
« N’Dangane et Djiffer, delta du Siné Saloum