Jeudi 3 octobre 2002, Nouakchott-Saint Louis
On dit que les policiers sont corrompus
Avec leur salaire misérable
Ils ont fait ce qu’ils ont pu
Ils survivent de façon exécrable
Bakchich et racketage
Sans oublier les dessous de table…
Ils tirent le diable par la queue ! ! !
Ils tirent le diable par la queue ! ! !..
(Alpha Blondy)
L’étape : Nouakchott (Mauritanie) – St Louis (Sénégal)
Lever vers 7 heures pour rejoindre Nouakchott : pause petit dej’ entre routards français. Puis formalités : assurance (la Mauritanie est un pays assez formidable dans lequel on prend son assurance auto en quittant le territoire, et non pas en y entrant comme partout. Mais c’est pas grave, les routes sont tellement sûres…), retrait d’Ouguiya et transaction avec Ahmed (cher). Et puis en route pour Rosso, bifurcation pour rejoindre la frontière sénégalaise via le barrage de Diama. Formalités un peu compliquées, finalement nous parvenons à St Louis en fin d’après-midi. Installation à l’Oasis, puis petite balade nocturne en ville (resto “La linguère”, cyber, Bachir). Nuit à l’hôtel “L’Oasis” de St Louis, sur la langue de Barbarie.
Kilomètres du jour : 400. Depuis le départ : 5750.
Les SMS du jour
Lolo, 12h22 : “Vous me manquez les brads. Content du succès de votre traversée du désert ! Gazou”
L’image
Les dunes du sud mauritanien – Si nous retrouvons la route à Nouakchott, le désert ne s’y arrête pas ! Jusqu’à Rosso, nous roulons sur une belle route au milieu de paysages composés de dunes de sable rouge parsemés de buissons et de petits arbres bien verts. C’est beau, encore…
Le détour
La piste du barrage de Diama – De Rosso, deux possibilités s’offrent à nous pour rejoindre la frontière sénégalaise : prendre le bac pour traverser le fleuve, ou emprunter la piste qui mène au barrage de de Diama, à 30 kilomètres au nord de St Louis. Certains nous conseils d’éviter la piste sans doute impraticable en fin de saison des pluies, mais nous préférons encore une mauvaise piste à la douane de Rosso-Sénégal, tristement réputée pour ses séances de racket en règle. Après les pires passages du désert, la piste est plutôt agréable et Philou s’éclate vraiment comme un petit fou.
Pour ne rien gâcher, nous longeons une réserve naturelle côté Mauritanien – le parc du Diawling – où nous pouvons observer de nombreux oiseaux (flamands, aigrettes, pélicans…) La piste est longue (plus de 90 kilomètres jusqu’au barrage), et après une heure de route sans croiser personne et sans une seule indication, nous nous demandons un instant si nous roulons vraiment en direction de St Louis… La vision du barrage nous rassure définitivement. Dernier pays du périple, le Sénégal nous attend !
La rencontre
Des français à Nouakchott et Bachir à St Louis – Des bordelais, des parisiens, des stéphanois : ça grouille de français à Nouakchott ! La maison où nous reprenons contact avec la civilisation est un rendez-vous de routards : c’est là que se retrouvent les aventuriers rescapés du désert pour prendre le petit déjeuner. Chacun en profite pour narrer quelques anecdotes de son périple, ou pour donner quelques conseils sur la suite du voyage. Petit moment de détente assez sympa, que nous écourtons malgré tout, pressés de rejoindre le Sénégal (et de quitter la Mauritanie…)
Enfin à St Louis, soirée cyber pour conter nos (més)aventures mauritaniennes : c’est là que nous rencontrons l’ami Bachir, occupé lui aussi à consulter sa messagerie. C’est notre premier vrai contact sénégalais : sympa, facile et chaleureux. Bachir est expert comptable et s’exprime dans un français excellent avec un vocabulaire particulièrement riche, témoignant d’une grande culture littéraire et d’un niveau d’études supérieur. S’il rêve d’aller suivre une formation en France (sans avoir encore obtenu le précieux visa), il ne comprend pas les étudiants sénégalais qui refusent de revenir au pays une fois leur diplôme en poche. “Ce n’est pas comme ça qu’on va aider le Sénégal à se développer !”
Plutôt que de prolonger l’échange sur le trottoir, Bachir se propose de nous accompagner pour une visite guidée de la pointe sud de l’île St Louis, jusqu’au bâtiment de l’IFAN. Il nous raccompagne ainsi jusqu’à notre voiture garée à l’entrée du pont Faidherbe, et nous nous séparons après avoir échangé nos e-mails. Une rencontre assez exceptionnelle dans un pays où les toubabs sont rarement abordés spontanément avec désintérêt par quelqu’un qui n’a rien à vendre !…
La p’tite histoire
Des menottes pour Philou – La sortie de Mauritanie se passe sans encombres, nous avançons sereins vers le poste sénégalais. Aucun souci avec les gendarmes puis les policiers, l’accueil est même plutôt sympathique. Il ne reste plus qu’à faire tamponner les passeports et à regler les formalités pour l’introduction de Titine au Sénégal. Le douanier chargé de viser nos passeports nous informe d’entrée que nous devons nous acquitter d’une “taxe spéciale” de 10000 F CFA. Bizarre, jamais entendu parler de cette taxe ni sur le web, ni dans le Routard… Devant notre étonnement, le bonhomme tente de se justifier, nous expliquant qu’en tant que français nous bénéficions d’un “prix d’ami” puisque les deux espagnols qui nous ont précédé ont dû débourser 20000 F CFA chacun ! Bref, tout cela n’est pas très clair et puis de toutes façons, on n’a pas assez en poche pour le payer… On essaie encore de lui expliquer notre situation, notre mission pour l’association, notre peu de moyens, sans succès : il garde nos passeports. Nous l’abandonnons le temps de régler la situation de Titine, avec un second douanier beaucoup plus réglo (nous avons droit à un reçu), qui nous avoue diplomatiquement ne pas s’occuper des affaires de son collègue : en clair, la taxe est bidon. Reste à convaincre le douanier de viser nos passeports sans faire d’histoires ! Nous dépensons nos dernières piécettes en nous payant un coca, nous n’avons même plus de quoi payer l’assurance, alors la taxe “spéciale toubab”…
Nous retournons donc voir notre ami sans un sou en poche, qui refuse évidemment de mettre son tampon. Le ton monte un peu, nous usons de tous les arguments pour faire fléchir sa volonté. Philou s’excite, répétant sans cesse que “nous” venons travailler bénévolement au Sénégal pour les enfants… Sentant qu’on n’est pas disposés à payer et que la situation lui échappe, le douanier s’excite à son tour, jette les passeports dans son tiroir en nous annonçant que si nous ne pouvons pas payer, il nous faudra passer la nuit sur place (le passage sera alors gratuit le lendemain, amusant non ?). Cette fois Philou perd toute patience, éclats de voix, excès de colère, et tandis que je tente d’apaiser les esprits, le douanier attrape une paire de menottes dont il menace Philou qui sort fumer une clope pour se calmer, prêt à dormir dans la voiture… le délire total.
Comme mon douanier fulmine, je le caresse dans le sens du poil, lui expliquant qu’on est fatigué par une longue journée de route, etc. Ses collègues interviennent, et comme il sait qu’il a perdu, il accepte de tamponner mon passeport en soulignant bien sa gratitude à notre égard (tu parles !). Il refuse par contre de tamponner celui de Philou tant que celui-ci ne vient pas le chercher lui-même, histoire de sauver la face avec un dernier ordre de petit chef. Philou s’exécute en ronchonnant, ironique au possible, et nous pouvons quitter Diama toutes formalités accomplies. Toutes ? Non, nous partons sans assurance, faute d’avoir pu régler la cotisation…
Par chance, nous rallions St Louis sans soucis, après un contrôle policier où il ne nous est demandé que le passavant. En soirée à St Louis, Philou se laisse surprendre par un sens interdit mal indiqué et nous nous faisons encore rappeler à l’ordre par un militaire… Là encore, nous nous en sortons sans encombres mais il va falloir songer à nous mettre en règle rapidement !
L’œil de Philou
“La douche au rendez vous des routards (c’est dingue le sable qu’on transporte sur soi). Les magnifiques paysages du sud mauritanien. Le plaisir d’envoyer grave sur la piste reliant le barrage de Diama. Mon Cissou vacciné contre la conduite sportive. La joute avec le douanier Sénégalais, j’étais très énervé mais aujourd’hui j’en rigole bien. L’hôtel Oasis choisi par Cissou, un vrai paradis entre mer et fleuve, une bière fraîche et une douche tiède. Marche dans les rues de St Louis avec Bachir après presque 4 jours en voiture non stop. L’écriture d’un poème dans le hamac, caressé par les alizés du soir, sous un beau ciel étoilé.”
Et dans le magnéto…
- Commentaires sur la piste de Diama (avant la douane)
- Commentaires de Philou “Colin Mac Rae” et Cissou (après la douane !)