À Gorée (poème)

Vue de île de Gorée
L’île de Gorée, Dakar, Sénégal

Pêche, pêcheur, le poisson
Mais s’il te plaît le petit d’homme,
Ne le prend pas dans tes filets
Chasseur, chasse l’antilope,
Le phacochère, le singe bleu
Mais je t’en prie ne chasse pas le petit d’homme

Cogne, cogne, charpentier
Mais ces grands coups de maillets
C’est aux murs que tu les réserves
Ils en ont tant vu ces vieux murs,
Ah ! Si demain ils nous parlaient
Tombent, tombent les masques
Roulent, roulent mes larmes sur cette pauvre terre
Battue par des pieds si captifs
Chante djumbé, chante goyave,
Ah ! Si la terre pouvait nous dire ?

Roche gorgée du sang des lions noirs,
Tête tournée vers l’Amérique,
Chante djumbé, chante goyave, chante, chante, chante grave
Sur ma plaie verse l’eau salée
Rien ne calmera ma soif de toi Gorée
Gorée, je veux savoir et je saurai.

Ils étaient des cents, ils étaient des milles,
Voici novembre deux mille
Je viens à toi, île posée en solitaire
Sur le rythme doux de l’amer
Tout à coup la maison des esclaves et la porte du non-retour
Bouche putride sur le vide

Cogne djumbé, chante goyave,
Que chaque vague en clapotis
Vers la plage ramène ce cri

C’est l’enfant qu’on arrache au sein noir de sa mère
C’est l’amant capturé dans le lit d’une amante
Partout la poudre, les poignards
L’étrange union de la terre et du sang
En cet instant où ils passèrent
Les chaînes au cou du petit frère
Océan t’es-tu déchaîné ?

Toi aujourd’hui tu souris, tu t’endors petit à petit
Mais moi je ne peux oublier les coups de rame, les coups de fouet
Chante djembé, chante goyave, chante, chante, chante grave
Sur ma plaie verse l’eau salée
Rien ne calmera ma soif de toi Gorée
Gorée, je veux savoir et je saurai

Poème affiché à la maison des esclaves de Gorée avec les mentions suivantes :
Atelier Buono-Dufournet
El Kouria, Meryem, Stéphanie, Julie
Lycée Romain Rolland, Argenteuil