Mercredi 25 septembre 2002, Torremollinos (Espagne) – Chefchaouen (Maroc)
Le vent se mit à souffler. Ce vent, il le connaissait : on l’appelait le levant, car c’était avec ce vent-là qu’étaient venues les hordes des infidèles. Avant de connaître Tarifa, il n’avait jamais imaginé que l’Afrique fût si proche… (Paolo Coelho, l’Alchimiste)
L’étape : Torremollinos (Espagne) – Chefchaouen (Maroc)
Réveil difficile et départ tardif de Torremollinos en fin de matinée… Traversée d’Algeciras pour rejoindre Tarifa, la ville située à la pointe sud de l’Espagne. Entre Algeciras et Tarifa, première découverte magique des côtes africaines et vue imprenable sur le détroit de Gibraltar au mirador del estrecho. Tarifa, tour de ville, snack puis baignade en rêvant du Maroc… Retour à Algeciras en fin d’après-midi, embarquement à 17 heures sur le ferry à destination de Ceuta. Débarquement, plein de gasoil (essence détaxée) puis folkore habituel pour les formalités à la douane marocaine. Enfin au Maroc, descente par Tétouan au lieu de Tanger, direction Chefchaouen. Tajine dans un resto en bord de route. Nuit sous les étoiles à l’entrée du rif marocain, quelque part entre Tetouan et Chefchaouen.
Kilomètres du jour : 316 (oui, seulement, mais en traversant une mer…).
Depuis le départ : 2140.
Les SMS du jour
– Lolo, 9h43 : “Ola los brados ! Como esta la cabeza esta manana despues de 6 frozenos (autenticos frozenos con margarita ? ) ? Contacta me sobre el bato. Gazella”
– Cy-real & Philou, 14h10 : “Afrique en vue ! Tarifa, ville magique… Ad taleur sur le bateau.”
– Lolo, 17h38 (sur le forum) : “J’ai eu Cy-real, au moment où je tape ces quelques lignes, nos 2 skin-heads à bonne bouille voguent vers… l’Afrique : ils sont actuellement sur le bateau qui les emmènent d’Algeciras (Espagne) jusqu’au Maroc, l’express étant bien sage en cale. 3/4 d’heure de traversée et ils poseront pied à terre sur le continent Africain. C’est maintenant que tout commence, m’a avoué Cy-real…”
– Cy-real & Philou, 19h43 : “Après avoir lâché quelques dirhams aux douaniers marocains, nous roulons sur Rabat. Ma ken mouchkill ! (Pas de problèmes !) @+”
– Lolo, 22h46 : ” Salam malikoum los Srrrabelos ! C’est comment l’Afrique ? Où êtes-vous ce soir ? Gaz de France “
– Cy-real & Philou, 23h09 : “Finalement, on a pris un chemin de traverse dans la campagne marocaine pour rejoinde Fes via Chefchaouen. On prend le temps !”
– Cy-real & Philou, 23h22 : “Nous sommes couchés dans les montagnes de l’Atlas. Nous regardons les étoiles, très romantiques, je pense me faire ton frère sous peu. Philou.”
L’image
Le “mirador del estrecho” – Le ferry et l’Afrique nous attendront encore un peu : nous traversons Algeciras pour rouler sur Tarifa. La route s’élève au milieu des éoliennes, et je tente de m’imaginer le décor qui m’attend au sommet… Une dernière grimpette, et puis le choc. Les côtes marocaines se dressent face à nous, et avec cette vue panoramique indescriptible c’est toute l’Afrique que j’entrevois, inattendue, immense, sauvage et mystérieuse. Tarifa est là aussi en contrebas, superbe de lumière, mais mon désir et mon regard me portent sans cesse de l’autre côté de la mer…
Nous descendons sur Tarifa, et je reste sans voix devant tant de beauté. En remontant sur Algeciras, nous nous arrêtons au “mirador del estrecho” pour une longue séance photos.
Mon rêve africain commence vraiment là. J’ai déjà foulé ce sol qui s’offre à moi, pourtant je reste de longues minutes à contempler l’horizon en rêvant des heures qui m’attendent. Je me sens submergé par une émotion incroyable. J’ai l’impression qu’un pas me suffirait pour enjamber le détroit et démarrer l’aventure…
Le détour
Tarifa – C’est là que commence l’histoire de l’Alchimiste, là que commence le voyage initiatique de Santiago, le jeune berger héros du conte de Paulo Coelho. Suivant ses traces, j’entre avec émotion dans cette ville dont j’avais tant rêvé. Je me souviens des maisons blanches, des ruelles paisibles, d’une église et d’un bougainvillier. Je me souviens des halles, des pêcheurs et du port. Je me souviens de la plage, de la mer turquoise et de ces côtes africaines si proches, que je contemplais avec fascination…
Philou s’impatiente et me ramène à la réalité : l’Afrique nous attend. D’un rêve à l’autre…
La rencontre
Les douaniers marocains – On avait mis une demi-seconde pour passer la douane espagnole désertée, on mettra une bonne heure à se défaire des pattes des douaniers marocains à la sortie de Ceuta, très sympas mais très formalistes… Dès l’arrivée au poste frontière, un gars nous propose ses services en nous tendant des formulaires et en nous indiquant une file d’attente. Ça sent le bakchich à plein nez ! Nous l’abandonnons avec ses papiers, dix mètres plus loin un vrai douanier nous demande si nous avons rempli les formulaires… Une fois la tâche accomplie, nous cherchons la bonne file : pas simple vu qu’il n’y a aucune indication ! Philou tente une sortie par la droite pour éviter la queue, nous sommes rappelés à l’ordre par un agent qui nous renvoie dans la file… Quelques longues minutes plus tard, nos passeports sont tamponnés. Un dernier formulaire à remplir pour Titine et puis c’est bon, on peut y aller ? Non, qu’est-ce qu’il faut encore ? Des dirhams ? D’accord, juste le temps de faire du change. Des cahiers aussi ? Ah non, c’est pour les enfants sénégalais… Bon, juste un ou deux alors… Allez, choucran (merci) et bon séjour au Maroc !
La p’tite histoire
D’un continent à l’autre – Excité comme une puce à l’idée de bientôt fouler le sol africain, je suis intenable à bord du ferry. J’appelle Lolo pour lui raconter comme c’est trop fort… Philou s’endort. Incapable de rester assis, je marche pour me défouler, je parcours le répertoire de mon portable pour trouver quelqu’un à qui faire partager mon émotion ! C’est finalement une barre de Toblerone qui m’aidera à retrouver mon calme : je me pose à l’arrière du bateau et je regarde lentement s’éloigner ma vieille Europe et le rocher de Gibraltar. Mais le ferry ralentit déjà, nous entrons dans le port de Ceuta… A nous l’Afrique ! Le temps de réveiller Philou, nous sommes parmi les derniers à récupérer notre véhicule. Une ultime passerelle, et voilà Titine qui pose ses roues sur ce nouveau continent et s’élance à la découverte de l’Afrique avec deux aventuriers enthousiastes à son bord…
L’œil de Philou
“Mon Cissou qui veut aller à Tarifa, qui irait bien voir l’Alhambra, qui veut se baigner, qui veut …. Il commence à faire très chaud et je suis claqué. Cyril est plus que jamais excité. Le Maroc nous tend les bras, le choc des cultures, les douaniers, les couleurs, les montagnes, l’accueil et nos premières tagines. La bonne idée que nous avons de traverser le Rif Marocain et la soirée sous les étoiles. On est déjà les rois du monde.”
Et dans le magnéto…
On en a tellement pris plein les yeux qu’on n’a rien trouvé à dire !