La journée : mercredi 25 juillet 2001
Excursion au départ de St Louis en direction de la frontière Mauritanienne, à travers la “Broussarde” ; détour par des petits villages d’ethnies wolofs ou peules. Spectaculaire accident d’un camion qui se renverse en bord de piste deux cent mètres devant notre minibus, heureusement sans faire de blessés… Repas à Richard Toll sous paillotes ; visite du château du Baron Roger et des jardins alentour. Retour à St Louis, baignade au coucher du soleil ; repas et nuit à l’Oasis.
Un chiffre
3 – Le nombre de bestioles qui nous importunent ce jour-là, soit un moustique… et deux crabes. «Les petites bêtes, oui ça m’embête…» (écouter !) Il n’y a pourtant pas beaucoup de raisons de se plaindre : au bout de cinq nuits sénégalaises, nous n’avons toujours pas sorti les moustiquaires, et Nanie aurait entendu le premier ignoble bourdonnement à l’oreille pendant la nuit. Les crabes sont beaucoup plus nombreux aux alentours de la chambre (et sur la plage) mais totalement inoffensifs : deux beaux spécimens accompagnent ainsi ma douche matinale !
A voir / à faire
Petits villages de la Broussarde – En quittant St Louis pour gagner l’intérieur des terres, nous quittons également l’Afrique citadine pour la Broussarde, ses grands espaces dépourvus de toute végétation et les zones plus verdoyantes près des cours d’eau… En nous écartant de la piste, nous visitons ce matin-là deux villages authentiques, tout en contraste. Le premier est un village wolof (M’Bakhana), situé au bord d’une rivière anciennement exploitée pour une usine dont les locaux en dur servent aujourd’hui à l’habitat ; la végétation est abondante, les anciens palabrent sous le grand fromager, les femmes lavent le linge… Le second village est d’ethnie peule, situé en bord de route, à plusieurs kilomètres du premier point d’eau, les habitations sont de huttes de paille et de bois, et il n’y a pas un seul arbre.
Sous un soleil de plomb, c’est d’autant plus impressionnant puisque nous le visitons à midi, l’heure du zénith : de mémoire, je n’avais jamais vu mon ombre aussi courte !
Le château du baron Roger à Richard Toll – Il s’agit d’un vestige de l’ère coloniale, l’ancienne demeure d’un gouverneur du Sénégal, le baron Jacques Roger. Une bâtisse somptueuse, entourée à l’époque de luxuriants jardins d’agrément. Malheureusement, ce monument historique est totalement laissé à l’abandon, les vitres sont brisées, les pierres fissurées, et la jungle a envahi les jardins…
On peut malgré tout apprécier une belle vue panoramique du toit, notamment apercevoir les terres situées au delà de la frontière mauritaniennes au Nord.
Le Lac de Guier – Le but de notre longue excursion : un joli lac, situé juste un peu loin de St Louis… D’autant plus qu’on ne peut pas s’y baigner ! Car malgré la chaleur et les jeunes sénégalais qui barbotent, nous restons méfiants vis à vis de l’eau stagnante. Reste le spectacle des pêcheurs, mais tout le monde est un peu fatigué… Nous ne nous éternisons pas et prenons vite le chemin du retour.
Souvenirs-sourires…
Accueil à l’africaine – Cette fois, il n’y a plus de doute : je reconnais l’Afrique telle que je la rêvais en arrivant dans ces petits villages épargnés par les touristes. Le chef du village wolof nous souhaite la bienvenue en français, et même si son village est tout petit, c’est très impressionnant de lui serrer la main : c’est une personnalité, et un homme d’un certain âge qui porte la sagesse sur son visage souriant. En le regardant, je pense à cette fameuse phrase d’Amadou Hampâté Ba : “en Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle”. Autour de lui, les autres adultes nous adressent quelques signes de salut lointains. A la suite du groupe, je fais le tour du village avec un sourire indissimulable tant mon plaisir est grand : les mômes nous accompagnent, certains engagent la discussion en français, d’autres demandent à être pris en photo… A l’évidence ils s’amusent de notre présence et cherchent simplement à établir un contact, sans rien demander en retour. Du coup, nous décidons avec Nanie et Pascal de nous délester d’une partie de notre cargaison de stylos dans ce havre de quiétude. Mais pas question de déclencher une émeute dans cette ambiance si paisible, pas question de distribution sauvage risquant de susciter jalousies et frustrations : je n’ai pas oublié les conséquences de la générosité maladroite d’une touriste dans un petit village marocain… Je m’en vais discrètement confier une vingtaine de stylos au vieux chef du village, pour l’école. Je ne suis pas prêt d’oublier l’éclat de son sourire (laissant apparaître une dentition bien mal en point !) ni la douceur de son regard au moment où il accepte mon présent en me remerciant…
Quelques kilomètres plus loin, le cadre a changé : village peul, peu de végétation, un seul bâtiment en dur (l’école), mais le même accueil bienveillant et hospitalier de la part des adultes, la même fascination dans le regard des gamins qui nous accompagnent en souriant. Nanie avouera retrouver dans ces ambiances si appréciables quelque chose de Semaga, petit village de la brousse burkinabée qu’elle a découvert trois ans plus tôt…
Le réveil du lion – Mal en point tout au long de la journée (il n’a rien vu de Richard Toll), tracassé par des troubles intestinaux et accablé par la chaleur étouffante à l’intérieur des terres, Pascal reprend du poil de la bête dans les vagues de l’Atlantique au coucher du soleil. A l’heure du repas, sentant l’appétit revenir, notre “Patal” national a retrouvé des couleurs et déclare à qui veut l’entendre : “Je pourrais avaler un lion !”. Serigne passe par là et s’il ne parle que quelques mots de français, il semble parfaitement le comprendre : “Lion ?”… C’est ainsi que jusqu’à la fin du séjour, il affublera Pascal du surnom de “Monsieur Lion”, Nanie devenant bientôt “Madame Lion”. Une madame même enceinte de “trois bébés”, comme le suggère son sac à ventre…
Une ambiance
Palabres à l’école peule – Après une petite visite des cases au milieu d’une joyeuse cohorte d’enfants, les peuls nous reçoivent un moment dans l’unique salle de classe du village, qui accueille en temps ordinaire aussi bien les enfants que les adultes, sous la tutelle des alphabétiseurs. Les bureaux ont été poussés, l’année scolaire s’est terminée quelques jours auparavant. Le bâtiment sert également de lieu de palabre, et les responsables de l’alphabétisation du village sont désireux de s’entretenir avec nous.
Un seul d’entre eux parle français, il se charge de la traduction. Dans un long monologue, l’un des alphabétiseurs nous lance un appel à l’aide vibrant, demandant clairement une aide pour l’école, financière ou matérielle ; il demande qu’on leur envoie directement les cahiers et stylos nécessaires, sollicite nos adresses… Un appel quelque peu désespéré, car tout ce qui transite par la poste risque d’être saisi en douane : cela n’a aucune chance d’arriver jusqu’à cette région reculée du nord sénégalais, il faudrait pouvoir l’acheminer directement… J’ai une pensée pour les multiples initiatives d’Aide et Action (écoliers du monde) afin de développer la scolarisation dans les pays défavorisés, et je réalise alors l’absurdité de la demande qui nous est faite : comment nous petits toubabs sans moyens en France pourrions-nous venir en aide à ce petit village isolé ? Il en faudra encore des initiatives, des moyens, et des personnes motivées pour que chaque enfant d’Afrique puisse aller à l’école dans son pays…
Bouilles de mômes
L’escorte – “Toubabs, toubabs !” Le cri retentit et en quelques secondes, tous les gamins du village se rassemblent autour de nous et s’approchent pour nous observer. Sans doute un peu intimidés, quelques-uns n’osent pas nous renvoyer nos sourires, d’autres refusent de se faire prendre en photo… A l’inverse, certains réclament et posent pour nous ! La plupart s’enthousiasment de notre visite, nous parcourons ainsi chaque village escortés par une joyeuse ribambelle de mômes. Douce sensation d’être ainsi accompagnés par une garde rapprochée aussi pacifiste et souriante…
Et au menu :
Immodium, Ercéfuryl, Primperan, Smecta… et coca ! – Premières faiblesses au cours du sixième jour : le mafé et le Thiep bou dien de la veille ont fait des dégâts. Clervie, Virginie et Pascal ont perdu de l’appétit et commencent à piocher dans la trousse à pharmacie. Mais le coca demeure souvent le remède anti-diarrhéique le plus efficace…
St Louis, Langue de Barbarie »»