La traversée du Rif marocain

Au petit matin (5h30) il fait frais, je ne dors plus. Je réveille le Cissou dormeur pour reprendre la route.

Avant d’entrer dans Chefchaouen, nous sommes arrêtés par un gendarme. Il nous questionne et en toute honnêteté nous lui disons avoir dormi dans la montagne. Il répond “oui je sais ! Je suis passé vous voir”. Prise de conscience de la nécessité de ne pas mentir à ces gens là !

Nous reprenons la route pour cette longue tape au travers du rif marocain. Nous passons Chefchaouen dans la nuit sombre, la ville est déserte, un peu triste. Après 1h30 de conduite, je ressens le coup de barre d’une nuit trop courte. Il fait toujours nuit noire et nous sommes un peu surpris (explication plus loin). Nous nous posons sur un aire de dégagement pour finir la nuit dans la voiture (Cissou en travers à l’avant, Philou plié en eux à l’arrière).

Lorsque nous nous réveillons (environ 2 heures plus tard) le soleil se lève sur les montagnes faisant apparaître un paysage fantastique fait de rochers rouge brique, ocre et de végétations abondantes (chêne vert, acacia, arbuste divers, figuier) et de terres défrichées. La route serpente le long de ces montagnes et a chaque virage un nouveau paysage nous arrache des “terribles”, “génial”, “incroyable”, le soleil est aussi de la partie éclairant petit à petit ses hautes montagnes et ses vallées profondes.

Village du Rif marocain
 Village du Rif marocain

A 9h00 nous traversons dans un village animé par le marché se mettant en place. Nous constatons rapidement que nous ne sommes pas sur les itinéraires touristiques mais bien dans le Maroc authentique. Nous décidons de faire une halte pour prendre un thé et visiter le marché.

A la descente de la voiture, un homme nous propose du haschisch, nous comprenons que nous sommes sur le territoire des producteurs de haschich marocain. Nous refusons poliment et l’homme n’insiste pas. Il nous propose de nous guider dans un espagnol-franco-marocain des plus clairs. Il nous entraîne vers un café un peu miteux pour prendre un thé et règle pour nous l’addition. Au café nous constatons que le décalage horaire est de 2 heures avec le Maroc. Effectivement depuis notre réveil à 5 h30 (heure française soit 3 h30 au Maroc !), nous avons fait pas mal de kilomètres et putain nous avions trouvé que le jour mettait du temps à se lever (ceci dit en Afrique il est peut être moins rapide !!!).

Village du Rif marocain
 Village du Rif marocain, le marché aux bestiaux

Un peu surpris par Mohamed notre accompagnateur, je m’inquiète de tant de gentillesse. Il continue tranquillement de nous balader dans le marché, jusqu’au marché aux bestiaux. La DDASS serait folle de voir le contexte sanitaire de la ville, des animaux, de la nourriture. Au retour à notre voiture, l’homme est toujours avec nous, nous montons dans la voiture et lui tendons un billet de 20 dirhams pour le service. Il refuse et si sort une liasse de billet de sa poche. Je n’y comprends plus rien ?!? Cyril non plus. Mohamed veut que nous allions voir sa maison, il insiste pour nous la montrer et nous présenter sa famille. Nous nous disons qu’étant donné qu’il a plus d’argent que nous, nous ne prenons pas grand risque à l’accompagner.

Nous le chargeons donc dans l’express (3 devant, super pratique pour passer les vitesses) en route, il nous explique qu’il à une grande maison avec une buena pista d’accès. Bon si c’est cela une bonne piste, je ne sais ce qui nous attends. Nous arrivons néanmoins à sa maison, secoué mais sain et sauf. Installé dans ces murs (voiture comprise), il entreprend de nous montrer sa maison (2 maisons en réalité) et sa Mercedes. Il nous montre son business. Nous avons en faite affaire à un genre de Pablo Escobar local. Il nous explique que toute la région est consacrée à la culture du haschisch sur une bande d’environ 200 km par 100 km. Il nous présente tout le monde et est même très prévenant avec nous. Il est fier de montrer sa réussite même si elle est toute relative par rapport à nous occidentaux. Mais cet homme est beau, humble, accueillant, ouvert, une vraie leçon d’hospitalité et gentillesse. Il nous offre même à manger en compagnie de son fils aîné MOUNIR et nous propose le coucher.

Petit déjeuner sur invitation, chez l'habitant
 Petit déjeuner sur invitation, chez l’habitant

Incroyable, nous sommes très surpris et flattés mais déclinons poliment l’invitation. A noter que les femmes se mettent en retrait mais elles prennent aussi beaucoup de plaisir à recevoir des étrangers, les sourires ne trompent pas et les au revoir de départ non plus. Nous promettons à Mohamed  de lui envoyer les photos de sa famille.

Nous quittons sa maison par la buena pista de l’aller, la tête et le cœur plein d’émotion forte, le sourire radieux et avec la sensation d’avoir vécu un moment exceptionnel.

Nouvelle pause-photo dans les montagnes du Rif marocain
 Nouvelle pause-photo dans les montagnes du Rif marocain

A peine sur la route goudronnée nous trouvons encore un superbe panorama. Cyril descend faire une photo quand tout a coup deux personnes sorties de je ne sais où, nous accoste pour du haschisch. Un ancien du gaz Abdeslam et un second plus jeune Mohamed (encore). Abdeslam parle très bien français et n’insiste pas pour nous vendre sa came, il discute de la France, il est heureux souriant, nous le sommes aussi.

Avec Abdeslam
 Avec Abdeslam

Je discute technique avec Mohamed qui veut absolument me faire fumer, je résiste, je résiste et je ne craque pas. Pendant ce temps Cyril cause avec Abdeslam. Ce dernier veut nous inviter à manger, voir sa maison, etc.. Je dis à Cyril que nous avons beaucoup de route, Abdeslam comprend bien et n’insiste pas trop. Nous faisons une photo ensemble.

Mohamed ne me lâche pas. Il nous demande de le remonter un peu vers chez lui Nous roulons quelques kilomètres. Cyril me fait remarquer que c’est loin chez lui, d’autant plus qu’à un moment il nous fait quitter la route pour une Buena Pista marocaine et boum patatras ! nous voila chez lui. Une maison encore plus grande avec piscine, presque un petit château. Il nous présente son père et tous ses “associés”.

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Ambiance jamaïcaine
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Le père Mohamed (et oui encore un!) est un businessman parlant français-anglais-espagnol faisant passer notre premier Pablo Escobar pour un miséreux. Re-séance de thé vert à la menthe, gâteaux, pistaches. Mohamed le fils me propose encore 20 fois de fumer des pétards monstrueux. J’ai moins de mal à résister vu qu’avec la dose qu’il met, je risque de faire l’avion un moment.

Nouvelles rencontres au pays du kif
 Nouvelles rencontres au pays du kif
Philou au pays du kif
 Philou au pays du kif

Nous posons pour la photo devant un superbe plan d’herbe thaïlandaise. Il nous propose enfin de rester manger et coucher. Deux anecdotes pimenteront la visite.

– Celle d’un allemand raide défoncé, hébergé par nos hôtes, qui viendra nous saluer en souriant niaisement. Cela fait deux heures que j’explique à  Cyril qu’il ne faut pas dire l’herbe qui rend idiot mais celle qui rend heureux. Ce trublion allemand vient de tuer en 30 secondes deux heures de plaidoyer.

– Celle de Mohamed le jeune qui quelques minutes plus tôt voulait me taper un paquet de clopes parce que grande famille, pas d’argent, etc .. Chez lui je lui ferai remarquer que c’est lui qui devrait me donner des clopes !!!. Il m’en donne quelques-unes. Je suis content vu que le sport national du Maroc est le tapage de cigarette, je vais pouvoir reconstituer le stock !

Nous réussissons à quitter nos hôtes. Nous sommes dans un pays incroyable avec des gens incroyables, des paysages incroyables. Bref nous nageons dans le bonheur, nous sommes milliardaires de plein de choses, nous sommes les rois du monde. En attendant nous avons fait 3 km en 3 heures et nous nous promettons de ne plus nous arrêter, même pour une photo.

A nouveau sur la route nous enfilons les kilomètres de lacets, toujours autant d’exclamation de joie à la vue des paysages féeriques que nous croisons. Toujours cette terre rouge et ocre, la végétation évolue avec l’altitude, les panoramas sur tout l’Atlas défilent. Les revendeurs de haschisch nous interpellent depuis le bord de la route, nous les saluons poliment en criant “No SMOKE” ou “NO BUSINESS”.

Nous amorçons alors la descente vers KETAMA dans un paysage de forêt de cèdres ( de l’ATLAS, VERT, BLEU, du LIBAN) une première pour moi, je suis émerveillé.

Forêt de cèdres dans le Rif
 Forêt de cèdres dans le Rif

Arrivé à KETAMA (capital du haschisch), c’est le marché. La ville multicolore est bruyante de monde et nous circulons au pas. Notre voiture ne passe inaperçu, et nous avons droit à plein de coucou, bonjour, bienvenu, et aussi des “haschish-haschish” ou “vient manger à a la ferme”. On a des amis partout dans cette ville, c’est fou non !!!

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Cortège électoral à Ketama
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Cortège électoral à Ketama
 Cortège électoral à Ketama

Nous sommes heureux et souriant et notre bonhomie s’adapte bien au contexte. Toujours à KETAMA, nous croisons, une enfilade de voiture de supporter des différents candidats aux élections législatives. C’est en effet jour d’élection au Maroc, quel folklore, on croirait qu’ils ont gagné la coupe du monde. Une fois encore surprenant, déroutant. Nous quittons KETAMA  pour TAHOUNAT puis FES.

Sur cette route toujours autant de hachisch boys mais des paysages un peu plus arides, toujours ce rocher rouge brique mais une végétation plus rare, plus petite. Petit à petit le paysage jauni et les terres jaunes et rouges se succèdent ou se mélangent. Depuis des heures, nous passons en revu des paysages grandioses et splendides sans jamais se lasser ou avoir l’impression de déjà vu.

Plaines et champs d'oliviers au milieu des montagnes du Rif
 Plaines et champs d’oliviers au milieu des montagnes du Rif

Passé TAOUNATE nous basculons vers les plaines agricoles et les champs d’olivier. Nous sommes toujours en extase devant tant de beauté et bientôt nous apercevons les premiers OUEDS. La végétation a quasiment disparu. Reste des terres cultivables de différentes couleurs, des champs d’olivier et des bergers.

Oued dans le Rif
 Oued dans le Rif

L’architecture aussi a changé, fini les maisons en pierre en brique, place aux maisons blanches en pisée et aux toits en chaume. La température aussi s’est élevée, la fraîcheur des montagnes nous a quitté. Nous filons le plus vite possible vers FES, non sans prendre le temps de quelques beaux panoramas.

Petite pose pastèque, juste le temps de voir passer un mariage et déjà les contreforts de FES apparaissent. Cyril est tout excité (une vieille histoire à lui).

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