Mardi 1er octobre 2002, Dakhla – désert mauritanien
Monotone le désert ? Monsieur veut rire… Pour l’aveugle, sans doute, le vrai, le physiologique, comme pour l’autre, le voyageur banal, ordinaire, sans curiosité et qui ne sait ni voir ni regarder… (Théodore Monod)
L’étape : Dakhla (Maroc) – Désert vers Nouadhibou (Mauritanien)
Départ matinal de Dakhla, pleins d’eau et d’essence dans une station avant de rouler vers la frontière. Longues formalités pour l’entrée en Mauritanie (visas, déclarations de devises… bakchichs, cahiers, clous de girofles…). Puis début de l’aventure, en route pour la piste, comptez avec moi : un ensablement, deux ensablements… Retrouvailles salutaires avec le guide contacté le matin par téléphone, et en route pour le désert à trois serrés à l’avant de Titine. Philou grimpe dans une Mercedes qui suit notre route pendant quelques kilomètres. Arrêt au coucher de soleil dans une cabane tenue par un couple de mauritaniens au milieu de nulle part…
Kilomètres du jour : 450. Depuis le départ : 4950.
Les SMS du jour
– Lolo, 15h57 : ” Quand t’es dans le désert, depuis trop longtemps, est-ce que tu penses un peu à ton frère, à ta sœur, à tes parents, à tous les supers srrrables que t’as rencontrés ? “
– Cy-real & Philou : Réseau non disponible…
– Lolo, 22h49 : ” Tout va bien les brads ? Impossible de vous joindre. Gazou ” (message reçu à Nouakchott deux jours plus tard)
L’image
Le désert ! – On était déjà un peu dedans depuis Tiznit au Maroc, mais pour moi le désert débute vraiment là, juste après avoir franchi la douane Mauritanienne. Débarrassé de toutes tracasseries administratives et rassuré par la présence de notre guide qui a pris le volant, je commence à profiter de la beauté de ce qui m’entoure, en rêvant les yeux ouverts.
Après un nouvel ensablement (une mauvaise inspiration d’Ahmed qui attaque de front une dune infranchissable d’au moins dix mètres de haut), et le passage d’une petite côte rocailleuse assez difficile, l’immensité désertique s’offre à nous. Nouadhibou et l’océan sont loin, il n’y a que du minéral, sable et roches, à perte de vue.
Et comme c’est beau le Sahara…
Mais qui a inventé tout ça ?… (France Gall)
Le détour
Fausse piste – Les douaniers marocains nous libèrent le passage : encore deux mètres de bitume, et puis plus rien. Juste un semblant de piste, pleine de méchants cailloux et de trous gros comme des nids de chameaux… Bienvenue en Mauritanie ! Il y a environ dix kilomètres à parcourir pour rallier le poste frontière, mais par où ? La piste se perd et on l’embarras du choix : à droite, du sable, des trous et des cailloux. A gauche, des trous, du sable et des cailloux. Tout droit, des cailloux, des trous, et un peu de sable… Je consulte rapidement les récits trouvés sur le web à la recherche d’une indication, en vain (je ne pourrai pas donner plus de tuyaux aux internautes !). Négligent de demander conseil aux quelques autochtones (probablement des faux guides), nous nous engageons à l’aventure.
Le premier ensablement survient moins de cent mètres plus loin. Deux Mauritaniens nous donnent un coup de main pour sortir du trou, l’un d’eux se propose même de nous aider à rallier la frontière… Nous refusons car nous espérons trouver le guide contacté par téléphone le matin. Philou prend de l’élan en faisant ronfler Titine mais moins de cinq cent mètres plus loin, nous n’échappons pas à un second ensablement… Nos deux amis viennent encore à notre rescousse, et cette fois nous acceptons d’embarquer l’un d’eux en lâchant au passage encore quelques dirhams. Il nous faut rebrousser chemin pour prendre une piste plus accessible, celle-ci étant inabordable sans 4×4 (on avait remarqué !). Cette fois Philou ne se laisse pas surprendre et lance Titine pied au plancher pour franchir sans encombres les deux passages sablonneux. Nous nous engageons alors sur une piste nettement plus accessible pour l’Express, sur laquelle nous finissons par retrouver Ahmed, notre guide “officiel” contacté grâce à un numéro de portable trouvé sur le web. Nous délestons notre faux-guide qui nous aura quand même bien rendu service en nous remettant sur la bonne voie ! Ahmed prend le volant, pendant que Philou et moi nous serrons sur le siège passager. Je me retrouve coincé entre les deux sièges, avec une jambe repliée sur le tableau de bord, dans une position particulièrement inconfortable : cinq cent kilomètres de désert comme ça, ça va pas le faire !
Fort heureusement, nous n’effectuons que quelques kilomètres ainsi. En profitant successivement de deux Mauritaniens convoyant des Mercedes pour les revendre, Philou s’offre une traversée du désert en première classe, tandis que je reste fidèle à Titine jusqu’au bout (avec Ahmed au volant qui la maltraite un peu trop à mon goût), en serrant les fesses : pourvu qu’elle tienne le coup !
La rencontre
A l’auberge Mauritanienne – A première vue, ce n’est qu’une simple cabane au milieu de rien. En réalité, c’est une auberge-épicerie plantée en plein désert, où nous passons la nuit à l’abri du vent et du sable.
C’est une Mauritanienne (typée mauro-arabe) qui tient la baraque, une femme énergique et beaucoup moins effacée que les femmes marocaines que nous avons rencontrées, puisqu’elle anime l’essentiel de la discussion – en arabe – avec Ahmed. Nous n’en comprenons donc pas un mot mais au son de sa voix, la fatma semble avoir du caractère ! Elle est aussi très agréable avec nous bien qu’elle ne parle pas français : intrigué par ma frontale, elle s’amuse à la mettre à son tour sur sa tête en riant… je prends la photo.
L’homme qui l’accompagne n’est pas son mari, plutôt un homme à tout faire. Il ne partage pas notre repas. C’est un noir mauritanien, traité plus ou moins comme un esclave, ainsi que le sont tous les noirs du pays… Une triste réalité qui n’arrange en rien le mauvais souvenir global que nous garderons de la population Mauritanienne.
La p’tite histoire
“C’est toi qu’a la pelle ?” – Je vous ai raconté nos deux ensablements en moins de cinq cent mètres à l’entrée de la Mauritanie, mais je ne vous ai pas dit le meilleur (on en rigole aujourd’hui mais sur le coup, on n’était pas fiers). Au premier arrêt, nous dégageons les roues aidés par nos deux “amis” mauritaniens, qui avec les mains, qui avec la belle pelle de l’armée dénichée dans un surplus militaire avant le départ. Une petite poussette plus tard, Titine est sortie du trou, nous remercions nos sauveurs et nous nous replantons quelques centaines de mètres plus loin. Cette fois c’est plus sérieux, il y a du sable jusqu’au bas de caisse. Philou commence à creuser avec ses petites mains pendant que je cherche la pelle dans le coffre, que je ne trouve pas. Je demande : “C’est toi qu’a la pelle ?” Philou : “Ben non, c’est toi qui l’a rangée tout à l’heure…” Non, j’ai rien rangé du tout moi… La pelle est restée au premier trou ! C’est l’un des deux maures qui nous la ramène, petit sourire aux lèvres. Tu parles, ils ont dû nous prendre pour de sacrées encoches et penser que pour nous, c’était pas gagné le désert… (je me dirai d’ailleurs la même chose jusqu’à ce qu’on rencontre Ahmed).
L’œil de Philou
“Le changement d’univers entre un côté de la frontière et l’autre, la cabane crasseuse de la police et le chef qui ne daigne pas se lever de son plumard. Nos premiers ensablements et la sensation que là commence la galère, donc l’aventure. Le chef douanier qui fait 30 km pour réclamer son cadeau. L’immensité et la beauté du désert, même pas chaud !!! On se sent tout petit. Le sens de l’orientation de Cissou, euh ! pardon du guide et l’arrivée à l’hôtel. La fatigue, le soulagement d’être en de bonnes mains, enfin un immense sentiment de sérénité et de plénitude qui nous envahit dans notre gîte au son de la musique mauritanienne.”
Et dans le magnéto…
- Les ronflements de Philou au camping de Dakhla
- Commentaires de Cissou et Philou dans notre cabane du désert