N’Dangane (Sénégal), 8 mai 2003
Voici le mois de mai qui arrive,
A minuit fait son entrée
Jeunes filles veuillez ouvrir
Au chant du rossignolet
Le mois d’avril vient de finir
Et n’a pas comblé tous mes désirs
Là-bas sous les verts feuilla-a-ges
Tous les enfants du villa-a-ge
Viennent chanter tous en choeur
Le joli mois de mai avec ardeur
Fillettes réveillez-vous et venez chanter avec nous…
(version originale d’un chant traditionnel des
basketteurs andéolais… souvenirs…)
Salut les toubabs, get’nalaguiss !! (“ça fait longtemps !…”)
Non ! Je vous jure, je n’étais ni malade, ni perdu en pleine brousse, ni même overbooké, quoique bien sollicité entre les retrouvailles avec mes copains N’Danganais, la reprise de contact avec ma mission pour Jangalekat et les visites des amis toubabs (Jacques et Cécile du 11 avril au 5 mai, la famille Planet du 22 avril au 3 mai). Non, la vérité, c’est que le mois d’avril a été un mois un peu pénible, émaillé de multiples petites contrariétés, et j’avoue que j’y ai un peu perdu de ma sénégalitude ! Allez, je vous raconte…
– le 1er avril, troisième jour consécutif d’ennui à Ouaga (Burkina) dans l’attente du vol retour sur Dakar ;
– le 2, retour à Dakar, et première tuile : Amath s’est fait emboutir et Titine est sur le billard… rien que de la tôle froissée, mais beaucoup ;
– du 2 au 11, séjour forcé et prolongé à Dakar, journées un peu galères de cybers en ministères ;
– le 10, retrouvailles avec Titine, horreur : elle est défigurée !! (mais elle reste la plus belle voiture du Sénégal) ;
– le 11, nouvelle catastrophe : arrivée de Jacques et Cécile, les “sages” de Jangalekat et début des ennuis… Sur le trajet depuis Dakar, à 5 kilomètres de N’Dangane, à deux heures du matin et en pleine brousse, Titine refuse d’aller au bout. Diagnostic de Jacques : courroie de distribution… (le genre de truc qui vous flingue un moteur en 2 secondes paraît-il). Fin de parcours à pied par la brousse, le temps d’aller réveiller Tonton Christian pour lui piquer les clés de son 4×4 et d’aller récupérer les bagages…
– le 12, opération tractage avec Tonton Christian, pas trop en rogne d’avoir été réveillé en pleine nuit ; par contre quand on est arrivé vers Titine et que je lui ai dit que j’avais oublié les clés à N’Dangane, il a rugi ! (“T’es vraiment un champion du monde, toi…”)
– du 12 au 30, sollicitations et prises de chous quasi-quotidiennes avec les antiquaires de N’Dangane qui m’ignorent la plupart du temps et deviennent mes amis dès que je traverse le village accompagné d’amis toubabs… Redécouverte un peu pénible de ces comportements faux et intéressés propres aux lieux touristiques, que j’avais si bien eu le temps d’oublier entre Burkina et Niger…
– le 13, jour de chance : une nouvelle courroie de distribution et Titine repart sans autre dégâts, ouf !
– Le 16, journée NOIRE !!!…
> 8h, au moment de partir pour Thiès avec Jacques, Titine refuse de démarrer (comme Cécile, souffrante, restée couchée !). La batterie déjà traficotée en octobre semble fatiguée. Poussette, c’est parti.
> 8h45, premier contrôle de flics à M’Bodiene : j’apprends que la vignette annuelle est obligatoire… et que j’ai pas celle de 2003, qu’il fallait acheter avant le 31 mars (je suis rentré le 2 avril !)… 5 minutes de palabre, plates excuses, s’il vous plaît, je vais l’acheter aujourd’hui, l’association, le travail bénévole pour les enfants sénégalais, sortez les violons… circulez !
> 9h30, en quittant la poste de M’Bour, second contrôle : la vignette SVP… Ah ! 10 minutes de palabres, on ressort les violons mais celui-là est moins mélomane, parle d’immobiliser le véhicule… Pour lui montrer qu’on est pas pressés, je coupe le moteur (grosse erreur !)… et évidemment, lorsqu’il nous laisse finalement repartir avec indulgence, Titine refait sa mauvaise tête ! Re-poussette avec quelques sympathiques autochtones, cette fois en pleine ville avec Jacques au volant qui klaxonne pour obtenir la priorité et écarter les charrettes, voitures et nombreux piétons qui envahissent les rues de M’Bour !
> 11h, arrivée à Thiès, visite à notre animatrice en formation ; elle est en cours, il faudra repasser à 14 heures… Nous allons en profiter pour aller faire la vignette. Evidemment, Titine… re-re-poussette !
> 12h, retrouvailles avec Matar, un ami d’Amath qui s’était chargé de mon immatriculation sénégalaise en novembre et qui peut s’occuper de la vignette. Mauvaise surprise, comme la date est passée le prix a doublé… Je lui laisse l’argent et nous repasserons à 16h prendre la vignette. A peine le temps de ranger le porte-monnaie, investissement nécesssaire dans une batterie toute neuve. Ça commence à faire cher la journée !
> 17h, mission Jangalekat accomplie, batterie toute neuve, reste plus que la vignette et on rentre ! Oui mais. Le responsable de la vignette est partie à Dakar chercher des macarons. Sera là demaine matin… Pas de vignette, impossible d’avoir une attestation de dépôt ou un tampon officiel à présenter aux autorités. Pas possible de passer la nuit là, on laissé Cécile malade, alors on repart… sans la vignette.
> 19h, M’Bour, ça ne rate pas : contrôle de vignette… Là, j’ai le malheur d’expliquer aux flics que j’ai payé mais que je ne peux pas le prouver, j’aurais dû avoir ma vignette… Mon histoire n’est pas très crédible mais pourtant elle est véridique ! L’agent est un gros méchant qui rigole pas, se fout des violons, monte sur ses grands chevaux, veut immobiliser le véhicule et me demande cinq fois de me garer ! Je coupe le moteur (j’ai une batterie toute neuve !) et j’attends… Au bout de bien 15 minutes, il revient encore, “je vais immobiliser le véhicule…” Là je perds patience et je tente un coup de bluff, je lui dis qu’il ne peut pas immobiliser la voiture car nous devons rentrer à N’Dangane rapporter les médicaments qu’on est allés chercher à Thiès pour Cécile qui est agonisante !! Il hésite un instant, et puis me demande les médicaments… Heureusement pour moi, j’ai toujours une mini-pharmacie mais à peine tends-je le bras vers mon sac qu’il me dit “c’est bon, c’est bon… donnez ce que vous voulez et vous pouvez y aller…” Un petit billet de 1000 F (1,5 euros) pour régler l’affaire et c’est reparti… jusqu’au prochain contrôle. Je commence à être fatigué par tout ça et Jacques n’est pas très rassuré non plus !
> 20h30, après avoir réussi à passer au travers du dernier contrôle à Joal, nous sommes près du but et de la fin de notre folle journée. Mais à 7 km de N’Dangane, dans le dernier village juste avant la brousse, des voyants rouges s’allument intempestivement sur mon tableau de bord… Sous le dernier réverbère, lever de capot, il y a de l’huile de partout, sauf dans le réservoir consacré ! Impossible de poursuivre sans en rajouter une goutte. Bonne balade nocturne à pied pour trouver deux litres dans une maison à l’autre bout du village… Après quelques prières pour parvenir à bon port, nous retrouvons Cécile un peu inquiète mais pas si mourante ue ça finalement !
(Rien que de raconter cette journée, je suis fatigué!)
– le 19, pour éviter les barrages de flics, trajet nocturne jusqu’à Thiès où je dois retrouver Amath pour récupérer ma vignette. Mésentente, Amath m’attend à Dakar… Re-trajet nocturne. Enfin, ma belle vignette !!
– le 22, crevaison en montant sur Dakar (un très mauvais trou bien visé, même la jante a ramassé mais en trois coups de marteaux bien placés un mécano m’a réparé ça !) ; autre catastrophe de la journée : le débarquement de la famille Planet…
– le 23, en rentrant à deux voitures avec Amath et les Planet, double contravention (négociées en double bakchich…): Amath pour éclairage défectueux (une veilleuse grillée… quand on voit le nombre de véhicules qui roulent de nuit sans phares du tout…)… et moi pour dépassement dangereux (route large, bonne visibilité et camion qui roulait à 10 à l’heure). Manque de bol, ça s’est passé sous le nez des flics, à l’entrée de M’Bour, au même endroit que l’autre jour !!
– le 26, désaccord avec mon propriétaire et déménagement de ma case sénégalaise à loyer devenu parisien pour grande maison de toubab tout confort avec les Planet…
– le 29, toujours en brousse et toujours avec Jacques et Cécile, nouvelle farce de Titine qui cale en plein milieu d’un village sans mécano, et ne redémarre pas… Petite balade en brousse en pleine chaleur, et apparition d’un ange au volant d’un camion qui nous propose de nous tracter jusqu’au garage de N’Dangane. La corde cassera deux fois mais on arrivera au bout ! Cette fois, c’est “l’électro-vanne” (qu’est-ce que j’en aurais appris des trucs en mécanique cette année !). Depuis la pièce a pas encore été changée mais en attendant je peux démarrer et rouler, le seul problème c’est que pour arrêter le moteur, il faut caler… (ah, ça je sais faire !)
Voilà, ça fait beaucoup pour un sénégaulois et j’avoue avoir été un peu moins grave en cannes fin avril, j’avais hâte que le mois se termine ! Bon, pour être honnête, après ce tableau “noir”, j’ai eu aussi plein de vrais motifs de réjouissance en avril :
– j’ai retrouvé ma famille à N’Dangane, agrandie avec le petit Massamba, né huit jours après mon départ début février… comme il est beau !
– j’ai pu passer une journée avec Yves, mon copain belge internaute, et une autre avec une amie
parisienne en semaine de vacances “hôtel-club” (comme dans les bronzés !) ;
– j’ai reçu plein de courriers (mais j’ai manqué un peu de disponibilité mentale pour répondre, ça vient
!) et plein de cadeaux, des CD’s, des bouquins… et 4 pots de Nutella (Jacques et Cécile, Yves, les
Planet… et Tata Odile de retour de France). Bon, trois sont déjà descendus…
– j’ai retrouvé le centre de Jangalekat en pleine activité et les gamins tout sourire connaissaient plein de nouvelles chansons en français !
Mais le meilleur, ce fut évidemment tous ces bons moments de retrouvailles avec les amis venus me voir de France après 7 mois de séparation ! Avec Jacques et Cécile d’abord, pour de nombreuses heures de débriefings passionnants autour de la vie sénégalaise et de l’action de Jangalekat, mais aussi pour tous les moments simples d’humour et d’amitié, à partager un jus de bissap, un repas, ou une balade forcée en brousse pour cause de panne de Titine… Et puis avec les Planet, une de mes familles d’adoption du basket pontcharvinounais (l’auberge préférée de Philou), à qui j’ai pu faire découvrir “mon” Sénégal, et qui ont vécu chaque instant avec une candeur, une passion et un enthousiasme extrêment touchants et réjouissants pour le pseudo-guide que j’étais. Il y a eu aussi plusieurs bons moments passés tous ensemble, il faut dire qu’ils ne sont ni les uns ni les autres trop asociables !
Le joli mois de mai est arrivé, les amis sont rentrés la tête pleine de souvenirs et de sourires, la prochaine livraison ce sera ma cousine Bulle dans 8 jours, puis l’amie Manou (également secrétaire de
l’asso)… Bref, il me reste encore de belles heures sénégalaises à vivre et à partager au cours des trois mois à venir. Ah oui, cette fois c’est sûr je vais rentrer, mon retour est programmé le 10 août à 13 heures à Lyon Satolas-St Exupéry. Mais… on n’en est pas là !!
En attendant, me voici à nouveau totalement centré sur le projet Jangalekat, j’ai encore beaucoup d’heures à passer dans les jardins d’enfants, les écoles et les bureaux des Inspecteurs et des Ministres pour mener à bien ma mission, afin de bien poser les bases du fonctionnement de la saison prochaine que je suivrai comme tous les membres de l’asso à 6000 kilomètres de là !
Bien à vous la familia, les zinzins, les zamis et les zôtres…
Cyril, jangalekat sénégaulois