N’Dangane, jeudi 22 juillet 2010
Lorsque nous arrivons au rendez-vous du “café toubab” vers 8h20 chez Ameth, celui-ci est encore couché… Il se lève difficilement et déclare forfait pour l’expédition prévue à Fissel, où nous devons nous rendre pour faire le point sur les réalisations avec notre partenaire Sagar Diouf.
Comme la veille, c’est Talla qui nous conduit, et il nous faut près de 2h (!) pour parvenir à Fissel. Il faut dire que le dernier tronçon de la piste-route entre Thiadiaye et Fissel (environ 16 km) est dans un état lamentable… Il y a d’ailleurs des travaux d’inspection de la voie en cours.
Nous retrouvons Sagar au “centre de ressources” inauguré en mai dernier avec sa fille Awa (gestionnaire de la jangacoop de Langomack) et un animateur du centre. L’entretien avec Sagar est franc et cordial. Awa ne prendra la parole que pour répondre aux questions qui lui sont posées directement.
Compte-rendu de notre visite à Fissel
- Jángacoop de Langomack
Tout marche comme sur des roulettes. En raison des prix très attractifs par rapport aux boutiques, la demande des parents est très forte et le bouche à oreilles fonctionne pour faire connaître la coop. Sur le secteur de Fissel, il y a aujourd’hui 25 écoles (5 seulement il y a 20 ans) et 1 collège de 1.000 élèves susceptibles de se fournir… Sagar assure que les parents sont très satisfaits et réalisent de vraies économies, surtout que l’état n’assure qu’un cinquième des fournitures.
Il n’y a pas de problèmes avec les boutiques locales, essentiellement tenues par des commerçants libanais ou mauritaniens, qui cherchent à vendre à profit… S’ils vendent moins de fournitures scolaires, leur activité n’est pas en danger et ils font du bénéfice sur d’autres produits. La Jángacoop a donc toute légitimité. Et puis de toutes façons, les grossistes qui fournissent les coops sont souvent des commerçants libanais (comme à Dakar) ou mauritaniens… sans doute cousins des autres.
La coop peut gérer sans problème une augmentation de stock (1.000 euros ?!). Elle est située de manière relativement centrale par rapport aux différentes écoles, donc sa situation idéale rend inutile la création d’une autre coop sur le secteur.
- Les Cases Petite Enfance de Pinakop et de Badd
“C’est là que le bât blesse…” commence malicieusement Sagar… Concrètement, aucune des deux cases n’a fonctionné l’an dernier.
— A Pinakop, le bâtiment (que nous n’avons pas vu) n’a toujours pas été réparé, alors que le problème de toiture avait été signalé il y a plus de deux ans ! L’animatrice Rokhya avait aussi été malade, et le jardin d’enfants ne fonctionne donc plus depuis mai 2008…
— A Badd, c’est l’animateur qui est parti et même si des mamans ont un temps pris le relais avec un accueil, le jardin d’enfants a fini par fermer ses portes. Nous sommes allés voir le bâtiment (fermé), mais qui semble en parfait état (heureusement, il n’a qu’un an et demi). Mais vide et tout mort, donc…
De quoi se poser des questions… Les villages de Pinakop et de Badd avaient été repérés et choisis par Jángalekat car il y existait une certaine dynamique autour de la petite enfance (un jardin d’enfants fonctionnel depuis un certains temps, un/e animateur/trice, des mamans impliquées…) Tout se passe comme si la construction d’un jardin d’enfants en dur venait briser cette dynamique !…
Face à ce constat, je tente de titiller l’orgueil de Sagar, en lui offrant le Journalekat de février 2010, dans lequel il n’y a pas un mot sur Fissel en dehors de la coop de Langomack. Je relance : “Il n’y a rien, car on n’a aucune nouvelle des jardins… On se réjouit de tout ce qui se passe au Clep de N’Dangane (jardin, alphabétisation…) mais on a vraiment l’impression qu’ici les choses sont à l’arrêt et on n’est plus en confiance… Quand les choses fonctionnent, c’est d’abord une réussite pour les enfants et les villageois ; mais si ça ne fonctionne pas, c’est un échec pour tout le monde : pour vous, pour l’actuel PCR, pour nous…”
Sagar sourit et nous assure qu’il se démène pour faire évoluer les choses. J’insiste sur la nécessité de travailler en bonne intelligence avec le nouveau PCR, partenaire indispensable.
Sagar nous assure également que les relations se maintiennent avec le nouveau PCR, qu’il égratigne gentiment au passage : “De mon temps, nous avions une équipe qui avait le souci du développement… La nouvelle équipe fait surtout de la politique politicienne…” (sous-entendu : promet beaucoup, agit peu).
Promesses et perspectives :
— A Pinakop, le bâtiment devrait être remis en état en s’inspirant de la construction de Badd ; le financement sera assuré par un mystérieux “partenaire sénégalais”, dont nous ne saurons rien, malgré plusieurs relances frontales (“c’est une entreprise ? une collectivité ? un Gie ? un particulier ?”…)
L’animation serait confiée à Rokhya, a priori toujours au village, disponible et en forme ?…
— A Badd, l’animateur devrait être le fils du village… a priori sur place, disponible et très intéressé par la fonction ?… Difficile de savoir ce qu’il en est réellement, et si c’est un engagement durable et fiable…
Les deux jardins d’enfants devraient donc rouvrir leurs portes à la rentrée Inch’Allah. Pour soulager Sagar, nous lui donnons les coordonnées de l’institut de formation préscolaire des sœurs à Thiès, juste au cas où ses personnes-ressources ne seraient pas fiables…
Après la visite du centre et quelques photos, Sagar nous demande de le déposer au marché de M’Bafaye (à 5 minutes de Fissel). C’est essentiellement un petit marché agricole où l’on trouve des fruits et des légumes, des cordes, des outils agricoles, et nous ne faisons que passer.
De Fissel à M’Bafaye
De retour au Mazet, un nouveau repas gastronomique nous attend : Vache qui rit, thiakry, mangue, Biskrem. C’est aussi le moment de faire les comptes après les multiples dépenses de ces derniers jours (déplacements en voiture pour aller à M’Bour, N’Gohé, N’Gueniene, à Fissel plus la pirogue pour Bassoul prévue le lendemain). Nous laissons encore 50.000 CFA à Demba pour récupérer la statuette), mais nous risquons d’être un peu courts !…
Du coup, entre les sandwichs de Fa et le N’Dangane café (parce qu’on n’a pas prévu de se laisser mourir de faim ni de soif), je fais un détour par le cyber pour effectuer un virement via Western Union (qui permet de retirer des CFA au guichet WU de N’Dangane, vu que le premier distributeur de billets est à M’Bour, à 80 km !). Pour obtenir 350 euros (environ 230.000 CFA), j’en ai pour 25 euros de frais et il faut confirmer le virement par téléphone dans les 24h. J’espère pouvoir récupérer la somme le lendemain !
En soirée, nous retrouvons Ameth et Khacim au N’Dangane Café pour deviser sur nos faillites respectives du jour. Par exemple, j’ai failli avoir du khalis (de l’argent), mais ce ne sera pas avant le lendemain… ; Ameth a failli aller à Fissel, mais c’était trop tôt pour lui… ; Khacim a failli aller jouer au foot à 17h… mais c’était trop fatigant. Bichetteka, elle, a failli aller en Casamance, mais sans argent ça va être difficile !… Elle semble ne plus vouloir trop croire à l’expédition que je lui ai promise.
De toutes façons, avant la Casamance, nous avons une dernière visite à effectuer dans les îles, du côté de Bassoul.