Le jour le plus long

Marseille > Dakar / Pikine (via Lyon et Casablanca), vendredi 9 juillet 2010

Je me suis levé de bonne heure – 5h30 – pour boucler (bâcler ?) l’édition du Journalekat et terminer mon sac. Je pars. Je serai celui qui porte le souvenir d’Éliane en terre d’Afrique. Dans le train qui m’emmène à Lyon, je rédige quelques mots à l’intention de mes cousines (les deux filles d’Éliane), que je transmets à mon frère de chez Claire.

Salut les cousines,

J’ai la tête bien embrumée ce matin, le nez à peine sorti de mes affaires d’école, la tête en partance pour l’Afrique, et le cœur déchiré par le départ de ma Tatie Yane sans pouvoir être avec vous tous. L’école, l’Afrique, la familia, c’est d’ailleurs elle qui fait le lien entre tous ces éléments de ma vie… Voilà une marraine qui aura parfaitement accompli sa mission d’accompagnement et de transmission envers son filleul.De la maîtresse que j’admirais, je garde encore aujourd’hui deux attitudes essentielles sur la pratique de mon métier : exigence et bienveillance. Et je dois avouer que trente ans après, je fais toujours lever les ardoises à la baguette, séparer opérations et solutions dans les problèmes de maths, et il m’arrive même de proposer un texte à trous au tableau sous l’éternel « reconstitution de texte »…
De la tante et de la marraine que j’aimais, je garde une immense tendresse, celle qui accompagnait les câlins que j’ai continué à recevoir bien au-delà de l’enfance, celles des petites attentions et d’une constante volonté d’échange.

Je l’imagine enfin sereine aujourd’hui, délivrée de l’attente et de la maladie. C’est désormais le temps du deuil qui va pouvoir commencer…

Je ne pourrai être parmi vous pour l’ultime épreuve, mais je serai de tout cœur avec vous là où je serai. D’ailleurs, sur cette terre d’Afrique qui sait si bien rendre hommage à ses ancêtres, je pense aller faire un petit tour en brousse et enterrer un stylo ou un cahier au pied d’un baobab, en guise de symbole.

Je vous embrasse très très fort toutes les deux, je pense bien à vous dans ces heures encore pénibles, ainsi qu’à Jeannot, Nathan et Nélia.

Cyril

“Elle aurait souhaité que tu partes”, me dit encore Laure qui nous a rejoint. Ce n’est pourtant pas le plus serein de mes départs, je reste tiraillé entre deux sentiments contradictoires, sans réussir à m’en libérer.

À l'aéroport de Casablanca...

À l’aéroport de Casablanca…

Laure nous a déposés à l’aéroport de Saint Exupéry. Je profite du vol entre Lyon et Casa pour dormir – et me vider un peu la tête. Trois heures d’attente dans le sinistre hall de transit de l’aéroport de Casablanca, auxquelles s’ajoutent bientôt trois heures de retard… nous redécollons à minuit passé. Il est près de quatre heures du matin lorsque nous nous posons à Dakar (6 heures en France).

Prévenue de notre retard, la brave Kiné est bien là pour nous accueillir avec une escorte impressionnante de neuf volontaires (!) venus porter nos sacs et nous préserver des importuns. Il nous en coûtera 12.000 CFA (près de vingt euros !) et 12.000 de plus pour rallier Pikine en taxi. Nous sommes trop épuisés pour négocier, mais les tarifs dakarois ressemblent de plus en plus aux taxis parisiens !

Et tandis que Dakar défile autour de nous et que je devrais m’enivrer de tout, impossible de garder les yeux ouverts… Je remarque juste que nous empruntons un vrai tronçon d’autoroute avec panneaux et échangeurs flambants neufs ; qu’un camion chargé de riz est arrêté en plein milieu après avoir perdu quelques sacs ; et que deux véhicules roulent en marche arrière sur une bretelle d’accès !

Pikine enfin… Il est 5 heures, le muezzin donne de la voix pour la prière du matin. Kiné nous installe un matelas dans son petit salon, en nous expliquant qu’à 6 heures, nous pourrons aller dans la chambre (!). Et effectivement, une petite heure plus tard, elle vient nous arracher de notre sommeil pour nous guider deux rues plus loin dans une petite chambre louée à des voisins. Il fait jour, il fait très chaud, et le ventilateur ne tourne pas assez vite pour faire de l’air…

Coma sénégalais »»