Au petit matin nous découvrons un homme de plus dans la pièce et une Mercedes dehors. Ahmed nous explique qu’il s’agit d’un ami et que nous allons effectuer la traversée avec lui. FADEN est transporteur de voiture, il achète au Maroc et revend à NOUAKCHOTT. Je me dévoue pour monter dans la Mercedes !
Nous voilà parti pour une traversée du désert que nous espérons heureuse. Le soleil se lève et nous découvrons des paysages fantastiques, variés, sauvages et purs. Les merveilles s’enchaînent les unes après les autres. Non seulement nous savourons mais en plus nous sommes rassurés par la compétence du guide (qui conduit Titine) et par sa nécessité.
Nous faisons une première halte dans un camp Touareg, pour affaire ??? Il y a là un troupeau de dromadaire et une grosse dune. Cyril grimpe la dune pour dégainer l’appareil photo. Nous en profitons pour confronter nos points de vues, nous sommes subjugués par la beauté du désert.
Le soleil tape de plus en plus fort et la sensation de chaleur est renforcée par le vent chaud qui souffle. Cependant nous supportons bien le trajet mais notre Titine si courageuse depuis 200 km commence à chauffer du bocal (faut dire que nous fonçons et qu’Ahmed ne la ménage pas).
Nous faisons une petit pause thé (au feu de bois) abrité du vent par une couverture avant de repartir vers le fleuve !?! Pour l’anecdote je demandais régulièrement à Faden mon pilote dans combien de temps serions-nous à la mer mais ce dernier n’avait pas l’air de comprendre. Je n’insistais pas jusqu’au moment ou il me dit que nous serons au fleuve dans environ 1 heure. Je suis stupéfait et lui demande s’il y a de l’eau dans le fleuve. Lui me regarde soucieux du genre “pourquoi n’y aurait-il pas d’eau dans le fleuve ?” Plusieurs fois j’insiste sur la présence du fleuve et à chaque fois Faden prend le même air surpris.
Une heure plus tard nous débouchons sur le fleuve plein d’eau. En fait de fleuve il s’agit de la mer et en particulier du banc d’Arguin. J’explique à Faden que ce n’est pas le fleuve mais la mer. Il s’en fout royalement !!!
Les Mauritaniens sont des gens “bizarres”, finalement peu ouverts, clairement incultes, mais doté d’un sens de l’orientation hors norme. Ils te disent dans 20 minutes, il y a aura un puits, une dune, un “hôtel” ou une carcasse de voiture et ils ne se trompent jamais.
Nous roulons désormais sur le banc d’Arguin (la plage) et l’air désormais “frais” (on apprend aussi à relativiser !) arrange les conditions de voyage. Nous avons l’impression que tout va trop vite, nos deux pilotes sont des machines à conduire et ils sont visiblement pressés d’arriver. Quelques kilomètres plus loin nous stoppons dans un petit village de pêcheur accueilli par une troupe d’enfant scandant “Cadeau, m’sieur”.
Nous sommes contents de nous arrêter un peu. Cyril me confie sa déception de passer trop vite. Maintenant il faut se rendre à l’évidence que sans Faden, l’homme pressé, nous aurions souffert du voyage et la voiture aussi. Nous faisons contre mauvaise fortune, bon cœur espérant que nous ralentirons un peu par la suite.
En attendant direction la maison d’un pécheur pour le traditionnel thé. Dans la pièce ou l’on nous reçoit vole environ 50 mouches au m3 d’air. La femme propose le traditionnel bol de lait. Peu inspiré par l’état de propreté du bol, je décline poliment le breuvage. Cyril trempe les lèvres de politesse (quel courage ce Cissou !). Pour le thé difficile de trouver des arguments pour refuser. Nous buvons donc les trois thés dans des verres culottés à l’extrême. Viens ensuite le poisson séché à l’odeur “puissante”, encore une fois Cyril goûte.
Nous voilà donc poser à mi-parcours dans une famille typique de pécheurs Mauritaniens. Nous sommes affolés de tant de misère, de manque d’hygiène, de vide relationnel et culturel.
S’agissant de leur mode de fonctionnement familiale, nous retrouvons le même schéma qu’hier. Cette fois l’homme à l’air plus âgé que sa femme mais il se tient toujours en retrait. Il ne parle pas. Sa femme discute avec nos deux compères, négocie, dirige. Au sortir nous questionnerons Ahmed sur cette particularité. Il nous expliquera que c’est souvent ainsi. Néanmoins nous apprenons que l’homme du premier soir était en fait un “boy” sénégalais. Cyril m’explique alors que les Africains noirs sont considérés comme des esclaves en Mauritanie.
C’est sans regret que nous quittons le village. Ahmed et Faden n’ont pas l’air d’accord sur la suite du parcours. Ahmed veut camper un peu plus loin et Faden veut “forcer” le fleuve. Cyril et moi espérons nous poser pour profiter un peu du décor et surtout des centaines d’oiseaux qui peuplent le parc national du banc d’Arquin (flamands, pélicans, cormorans, goëlans, grues, et autres échassiers).
Finalement nous débouchons à la sortie du banc d’Arguin, sans avoir pris le temps de se poser. Nous acquittons le péage (100 Dirhams) et fonçons à nouveau sur la plage. La mer monte et nous ne pourrons bientôt plus rouler. Nos deux pilotes envoient grave et Titine qui ouvre la route fait des sauts impressionnants. 100 km plus loin, il n’est plus possible de rouler. Cela tombe bien il y a un autre village de pêcheurs, encore plus grand encore plus sale. On se serait bien arrêtés au milieu de nulle part mais non !!!
Il est 16h30 nous sommes fatigués et pas très réceptifs à la centaine de personnes qui nous réclament 100 fois chacun un cadeau. Passons sur les enfants et les ados mais même les adultes nous harcèlent. Nous sommes passablement énervés d’autant plus que “l’hôtel” qu’Ahmed à dégotté est encore plus insalubre que tout ce que nous avons déjà vu. Nous qui rêvions d’une nuit paisible dans le désert !!!
Nous informons Ahmed que nous dormirons ce soir dans la voiture et que nous mangeons européen. En attendant un petit plongeon dans l’océan nous tente. Accompagné de notre bande de marmots et autre singes savants, nous marchons vers la plage sous les “cadeau m’sieur”.
Sur la plage nous nous baignons à tour de rôle pour ne pas laisser nos affaires sans surveillance. Pour l’anecdote, la mer est agitée mais j’ai envie de nager un peu pour me calmer. Je m’éloigne un peu du bord jusqu’au moment ou j’aperçois des pécheurs me faisant des grands signes, agitant les bras. Je retourne donc en nageant vers la pirogue pour m’entendre dire “attention la mer est agitée”. Ils sont fous ces Mauritaniens ???
De retour à la voiture, nos nouveaux amis sont encore là. Petit débarbouillage et nous décidons de partir marcher vers le Désert pour échapper à la meute.
Passés 1 km d’immondices diverses et variées, nous redécouvrons des paysages magiques et du calme. Cyril veut pousser vers une grande dune, je ne suis pas en canne et la nuit commence à tomber. Je lui déconseille de le faire mais le bougre est têtu. J’attends donc que l’enfant grimpe sa dune. Mais cela ne lui suffit pas et il disparaît derrière la dune. J’attends là environ 20 mn sans le voir réapparaître.
Le jour baisse toujours et je commence à m’inquiéter. Il faut dire qu’il y a du vent susceptible d’effacer les traces, que lorsqu’on marche dans le désert on manque de repère et qu’en plus le vent vous détourne de la ligne droite (pour finir Cyril n’a pas le sens de l’orientation). Toujours est-il que ne voyant apparaître le rêveur je décide de faire demi-tour pour récupérer la voiture et braquer les phares vers le désert afin qu’il ait un repère pour s’orienter (pas d’électricité dans le village). Lorsque j’arrive au village la nuit est tombée et je commence à paniquer.
Qui est-ce qui devra rendre des comptes si j’ai perdu le bébé dans le désert?
La voiture positionnée j’aperçois au loin mon Cissou avec sa frontale qui marche dans la direction du village. Je suis rassuré mais pas calmé (y m’a fait flipper le con !!!).
Lorsqu’il arrive à la voiture, il mesure mon agacement, nous n’échangerons que peu de mots, ce n’est pas nécessaire. Il se montrera très cool ensuite préparant le repas pour nous deux.
Ce sera la seule contrariété du voyage.
Invité ensuite à prendre le thé chez le notable local (l’épicier-businessman), nous arrivons en fait pour le repas. Nous sommes plein mais ne pouvons refuser l’invitation à manger le mouton avec les mains en compagnie de l’épicier, le guide, l’accompagnateur, et un autre convive (les femmes mangent à part ici). Nous sommes un peu à l’écart et les Mauritaniens, une fois encore, discutent de voiture. Leur seul sujet de discussion est la voiture et leur trafic respectif.
Le plat à peine posé nous voyons 4 gloutons se jeter sur la nourriture, prendre avec les mains dans le plat, rejeter dans le plat, se sucer les doigts. Je sais que nous nous sommes lavé les mains avant de manger mais leur attitude est un peu “gênante”. Surtout que la viande n’est pas terrible et la préparation quelconque. A peine soulagé par la fin du premier plateau, un deuxième plateau de mouton arrive, renvoyé par le maître des lieux.
Ouf !!! pas d’autre expérience culinaire.
Repus et un peu fatigué, nous sommeillons dans la maison du notable (bien plus propre et éclairé par un néon sur batterie). Cyril s’endort. Quelques instants plus tard, il sera réveillé par Ahmed pour manger les légumes, en fait un plat de riz excellent accompagné du mouton (celui refusé 15 mn avant). Nous n’avons vraiment plus faim mais il insiste. Nous piochons alors dans le riz et nous brûlons les doigts pour le plus grand plaisir de nos hôtes.
Nous repiquons du nez quelques minutes plus tard.
Il y aurait beaucoup à dire sur les Mauritaniens, sur l’activité du village mais l’envie de parler en bien de ce pays n’est pas là. Globalement nous ne sommes pas passionnés par ce pays et puis après l’accueil reçu au Maroc, la Mauritanie paraît bien fade. La conclusion est simplement que nous avons traversé bien vite le désert, que c’était émouvant et très beau.
Entre temps Ahmed nous a convaincu de partir ce soir pour contenter la machine à conduire qu’est notre accompagnateur FADEN. De bonne grâce nous acceptons, et nous voila parti pour Nouakchott de nuit sur les pistes mauritaniennes. Faden est visiblement pressé et nous fonçons comme des barjots sur la plage puis la tôle ondulée. Je supporte assez bien ce rythme mais Cyril est visiblement énervé par le rythme endiablé de cette traversée.
Lors de cette dernière soirée en sa compagnie, je prendrai sur moi pour donner un cours de politesse à mon pilote. En effet les mauritaniens sont cette mauvaise habitude de parler à l’impératif en omettant systématiquement les “s’il te plait” et les “mercis”. Je pense qu’il oubliera très vite cette leçon mais en attendant, il s’applique lorsqu’il s’adresse à moi.
Après 3 heures de route, nous nous séparons de FADEN, pour finir la nuit à la belle étoile, sous un magnifique ciel étoilé. La nuit sera courte et belle, avant de rejoindre au petit matin Nouakchott à 15 km.