La journée : jeudi 26 juillet 2001
9 heures : départ pour le Parc National de la Langue de Barbarie ; descente du fleuve Sénégal en pirogue jusqu’à l’embouchure au milieu d’oiseaux en tout genre : mouettes, martins-pêcheurs, pélicans, aigrettes… Retour à St Louis en début d’après-midi, balade libre : chawarma, banque, courses et cybercafé ! Fin d’après-midi détendue à l’hôtel. Thé d’Ahmat en début de soirée puis nouveau repas à l’ancienne gare – ou à l’hôtel, avec soirée africaine à la Saaba.
Un chiffre
30 – Le nombre de kilomètres (aller-retour) parcourus en pirogue sur le fleuve Sénégal, pour atteindre l’embouchure. Un premier trajet fluvial tranquille et fort agréable, qui nous ouvre les portes de l’océan au milieu des oiseaux du Parc national…
A voir / à faire
Le Parc national de la Langue de Barbarie – Nous ne pouvons pas visiter la réserve d’oiseaux du Djoudj, fermée au cours de la saison des pluies pour permettre la reproduction des espèces. Mais en descendant le fleuve Sénégal à travers le parc voisin de la Langue de Barbarie, nous observons de très près mouettes et canards siffleurs, pélicans, aigrettes, martins-pêcheurs…
Nous croisons même un varan (sorte de très gros lézard), prédateur déclaré qui s’attaque aux oeufs des oiseaux. Et pas besoin d’être passionné d’ornithologie pour apprécier la visite : il suffit de se laisser bercer par la pirogue et d’ouvrir grand les yeux dans le cadre magnifique du delta du Sénégal…
Les pélicans – Ces grands oiseaux blancs exercent je ne sais quelle fascination sur moi. Je n’avais pas eu grand mérite à photographier mon premier spécimen : il était sagement attaché au bord d’un petit bassin, devant la terrasse du bar de notre hôtel… Ceux que nous rencontrons en liberté dans le parc National ne se laissent pas approcher aussi facilement : notre pirogue progresse doucement vers une colonie en train de barboter, jusqu’à une vingtaine de mètres. Le doigt sur le déclencheur, je suis à l’affût, guettant le moment de l’envol. Raté ! Pas un ne bouge. Fort heureusement, nous en rencontrons une multitude d’autres plus loin sur la plage et nous parvenons à les approcher suffisamment pour les inviter à rejoindre l’azur…
Souvenirs-sourires…
L’envol des pélicans – Ils sont sans doute plusieurs centaines, regroupés ainsi sur le sable à l’extrémité de la langue de Barbarie. Je n’espère qu’une chose : assister enfin à l’envol massif de tous ces grands oiseaux blancs. Nous nous approchons d’eux lentement et pendant quelques dizaines de mètres, ils se contentent de détaler en se dandinant de leur démarche pataude. Puis les premiers s’envolent : ils sautillent trois ou quatre fois avant de véritablement décoller, un peu à la manière des athlètes qui pratiquent le triple saut (comme l’albatros-avion de Bernard et Bianca, pour ceux qui connaissent leurs classiques !) C’est un spectacle plutôt comique.
Mais après le sourire vient l’émerveillement, lorsque les pélicans déploient majestueusement leurs ailes en battant l’air pour s’élever avec grâce. Nous les suivons des yeux s’éloigner vers l’horizon, et se rejoindre pour former une belle arabesque dans le ciel…
Cette scène ne manque pas de me remémorer un célèbre poème de Baudelaire :
A peine les ont-ils déposées sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux (…)Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ! (…)
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
(Charles Baudelaire, “l’albatros”)
Sénégal blues – Nous débarquons sur la langue de Barbarie pour observer les pélicans et atteindre à pied la pointe ultime de l’embouchure. Un peu bluesy ce jour-là – ou simplement heureux ? – j’avance doucement sur la grève en marquant chacun de mes pas («marcher dans le sable…»), je m’amuse de la fuite précipitée des crabes, et je respire les brises d’air marin à pleins poumons. C’est aussi pour ces moments-là d’évasion solitaire, pour me retrouver et m’enivrer d’ailleurs que je suis ici… Je trempe les pieds à l’endroit même où les eaux du fleuve Sénégal se mêlent à celles de l’Atlantique, puis je sors de ma rêverie et je rejoins Amath qui court derrière les crabes pour les attraper !
Une ambiance
Grand luxe à l’Oasis – Arvel avait bien pris soin de préciser que cette formule expédition – aventure impliquait “des conditions d’hébergement plus modestes”. Alors certes, nous nous retrouvons à huit dans une même grande pièce… Mais quel cadre exceptionnel ! Notre hôtel “L’oasis”, tenue par la pétulante Nicole, est isolé à quatre kilomètres de St Louis, sur la langue de Barbarie, coincé entre le fleuve Sénégal et l’océan Atlantique. Comme des papes, nous partageons nos rares moments de détente entre les petites tables du bar, la plage et les hamacs. Ce matin-là , je me mets à l’écart pour avancer le carnet de bord et rédiger mes premières cartes postales. Ce moment de répit dans le rythme effréné du début de séjour est véritablement appréciable. J’aurais quelques regrets à quitter ce petit paradis le lendemain, avec le sentiment de n’avoir pas eu le temps d’en profiter totalement… J’aurais bien achevé mon périple sénégalais par une semaine de glande totale ici !
Bouilles de mômes
C’est le droit des enfants… ? – Les droits de l’enfant avaient été le grand thème du spectacle de fin d’année de mon école maternelle. J’avais longuement expliqué à mes gamins que dans certains pays, il y a des enfants qui travaillent au lieu de jouer, d’autres qui font la guerre… Souvent ils n’ont rien à manger et ne peuvent pas se faire soigner… Je n’avais pourtant pas imaginé être plongé dans cette cruelle réalité en venant ici, en traversant une nouvelle fois le quartier pêcheur de St Louis qui a tout d’un bidonville. Pour moi le Sénégal était un pays d’Afrique un peu mieux loti que les autres (le Burkina au hasard), et je ne m’attendais pas à côtoyer toute cette pauvreté. J’ai vu tant d’enfants qui mendiaient dans les grandes villes, et tant d’autres travailler, occupés à transporter de l’eau ou des marchandises pour participer aux tâches familiales… Ils grandissent avant l’âge et sont privés de leur enfance : savent-ils encore jouer, chanter, sourire ?…
Et au menu :
Domada yap – De retour dans la vieille salle de l’ancienne gare, je délaisse l’inévitable Thiep Bou Dien goûté la première fois pour de nouvelles saveurs. Pas de mafé au menu, mais un autre plat à base de poulet qui lui ressemble beaucoup : domada yap. Le poulet (yap en wolof) est accompagné d’une sauce épicée juste comme il faut… et de riz, évidemment. De leur côté, échaudés par le thiep, Nanie et Pascal sont restés sagement manger des pâtes à l’hôtel…
De St Louis à Thiès via le désert de Lompoul »»