N’Dangane, mardi 20 juillet 2010
À la sonnerie du réveil (7h45), je jette un œil rapide à l’extérieur de la case sans grande illusion : la tempête de vent et la pluie forte annulent de facto la sortie prévue dans les îles… Bassoul, amoul ! Je comprends vite qu’il n’y a qu’une seule chose à faire : se recoucher…
Amara vient prendre de nos nouvelles vers 9h : “Vous faites quoi ?” Ben, en fait…. rien. Vu la journée d’hivernage pourrie qui s’annonce, nous n’avons aucun plan B. Nous enfilons tout de même les K-ways pour aller prendre un petit déjeuner (n’deki) avec café touba chez Khady, entre les gouttes, avant de retourner nous mettre à l’abri au Mazet. Re-dodo, lecture (À l’est d’Eden, terrible !), cahier, rouille aussi… jusqu’à au moins 16h !
C’est à ce moment-là que Moukeye nous annonce que Khady va nous faire porter le repas… de midi. Mais bien sûr ! Moukeye retourne passer la serpillère car la case de son côté a pris l’eau. C’est un petit de la cour qui nous amène un plat quelques minutes plus tard. Le repas le plus triste du séjour, pris à l’abri des dernières gouttes sur les chaises blanches de la terrasse, avec un petit pull, à deux toubabs, sans ami sénégalais… Il n’y a aucune main habile pour trier le poisson, et une garce d’arête viendra se loger en travers de ma gorge pendant un bon moment. C’est le thé de Pape Kane qui la libérera un peu plus tard.
Ah, le beau moment passé dans l’atelier de Pape, comme un rayon de soleil dans cette journée grise. L’artiste s’est remis au travail depuis son retour à N’Dangane quelques mois plus tôt, du bras gauche (il a perdu l’usage de son bras droit dans un accident de la route). Il a complètement délaissé le style figuratif-naïf pour “travailler la matière” et se lancer dans l’art abstrait. Mais rien n’est posé au hasard, et Pape évoque les thèmes qui traversent en même temps ses toiles et son esprit : la torture dans une société, l’immigration, la famille et la paternité (toile “Borom keur”), les coépouses… Comme moi, Bichetteka ressent en tout cas bien plus de tourment que d’apaisement dans le nouveau style du peintre.
La discussion est à la fois profonde et plaisante, Pape alterne les Inch’Allah, les “peut-être…“, reprend à son compte mes interrogations en disant “comme l’a dit Cyril…”, et cherche à attribuer chaque idée, chaque citation à son auteur d’origine (“Qui a dit ça ?”).
Après la douche (froide !) et quelques fatayas chez Fa qui seront notre seul repas du soir, nous nous installons au N’Dangane Café en compagnie de Khacim et Ameth. Les tournées de gazelles s’enchainent (63 cl à chaque bouteille, au bout de trois ça fait déjà deux litres de bière dans le gosier…). Du coup, beaucoup de palabres et de rires, jusqu’à bien tard !