La journée : lundi 30 juillet 2001
Nouveau lever matinal pour observer les singes… Départ de Missirah à 10 heures par la piste poussiéreuse qui mène à N’Dangane. Pause de midi à Fatick ; arrivée à N’Dangane en fin d’après-midi, installation à l’hôtel Le Cormoran. Baignade dans le Saloum puis douche, sieste et repas à l’hôtel. Rencontre avec l’une des instits de Décines initiatrice du projet préscolaire de N’Dangane ! Fin de soirée avec Loïc et Amath pour le thé traditionnel…
Un chiffre
38 – En degrés celsius, la température de l’air annoncée à… Paris ! Nous l’apprenons par la télévision : le petit snack de Fatick qui nous accueille est branché sur TV5, qui diffuse le journal de 13 heures de France 2 en léger différé. Cette incursion d’une image familière dans le séjour me rappelle immédiatement que nous sommes à quatre jours du retour au pays, d’autant plus qu’en quittant Missirah, nous avons commencé à prendre la route de Dakar en remontant lentement par la petite côte. Cette perspective de fin de séjour ne m’enchante guère et j’essaie de chasser cette idée noire de mes pensées. Quand j’apprends que la France est frappée par une rare canicule et qu’il fait encore plus chaud à Paris qu’à Dakar, je trouve une raison supplémentaire d’avoir envie de rester !
A voir / à faire
La piste Missirah – Kaolack – A vol d’oiseau, Missirah et N’Dangane ne sont pas très éloignées, mais il est impossible de traverser le delta du Siné Saloum du nord au sud à cause des innombrables bras d’eaux… Nous devons donc faire le grand tour et remonter à Kaolack par la piste empruntée deux jours plus tôt. C’est le réseau routier secondaire sénégalais : pas de goudron, des bosses de partout et aucune signalisation… C’est tellement authentique qu’on ne peut pas passer à côté d’un voyage dans ces conditions. Je commence presqu’à m’habituer à l’inconfort de ces trajets, et comme la route est longue, je m’allonge sur la banquette pour dormir un moment. Quand je me réveille, je suis couvert de poussière, il y a même ma trace sur le fauteuil. Pas humide comme deux jours plus tôt, le sable de la piste vole et s’envoie en l’air… Tout le monde court se jeter sous la douche en arrivant à N’Dangane !
Souvenirs-sourires…
Jeux de groupe – Après les défis sur la plage de M’Boro, combats de gladiateurs dans les eaux du Saloum : Céline est montée sur mes épaules, et nous nous lançons à l’assaut de la paire Daniel-Marion que nous envoyons au fond en quelques secondes. Jacques et Clervie se montrent beaucoup plus coriaces, et nous ne l’emportons qu’au bout d’une lutte acharnée… Une méchante douleur aux cervicales ne manquera d’ailleurs pas de me rappeler toute la journée du lendemain le prix de cette belle victoire. Pascal et Nanie nous déséquilibrent en traître alors que je reprends mes esprits, mais cette victoire est refusée pour attitude anti-sportive !
Défi plus calme au jeu de dames dans la soirée : depuis Missirah, Clervie et Marion tentent à tour de rôle de battre Amath, le champion en titre. Un cri de joie accompagne chacun de leurs rares succès, elles restent en revanche beaucoup plus discrètes après chacune de leurs multiples défaites…
Rencontres d’instits décinois – «Il n’est pas de hasard, il est des coïncidences…» Lorsque j’avais dit à Loïc que j’étais instit’ sur Décines, il m’avait tout de suite dit que je risquais de rencontrer des collègues sur le trajet. A N’Dangane, je fais ainsi la connaissance de Laure, jeune instit de Décines qui a travaillé à Jean Jaurès comme moi deux ans plus tôt… Le monde est décidément bien petit. Elle n’est pas là par hasard : venue en stage au Sénégal lors de sa seconde année d’IUFM, elle avait décidé à son retour de monter avec une autre stagiaire un ambitieux projet d’accueil pré-scolaire à N’Dangane. Pour le mener à bien, elles n’avaient pas hésité à tout lâcher et étaient ainsi devenues sénégalaises pendant un an. Après avoir retrouvé un poste à Décines en rentrant, elles viennent depuis tous les étés assurer le bon fonctionnement de l’association. Je n’aurais malheureusement pas le temps de lui poser toutes mes innombrables questions sur cette formidable expérience qui m’impressionne autant qu’elle me séduit. Cette rencontre ne manque pas de titiller un peu plus mes envies d’engagement et d’action éducative en Afrique…
Mise à jour : à la suite de cette rencontre, j’ai envoyé un mail, et j’ai reçu une belle réponse ! Je suis finalement devenu adhérent, membre actif et webmaster de l’association Jángalekat… Un engagement concrétisé quelques mois plus tard par un nouveau voyage : Dix mois en terre africaine.
Une ambiance
Le minibus et ses habitants – Nous passons une nouvelle fois l’essentiel de notre journée dans le minibus ; j’en profite pour jeter un regard sur les occupations de mes compagnons de voyage. La lecture est souvent la distraction la plus prisée. Les guides circulent beaucoup, il y a toujours quelqu’un pour réclamer le Routard, le Lonely ou le guide bleu, en train de s’informer sur les excursions à venir ou de relire des infos sur les visites précédentes. Annie et Anne-Marie se plongent passionnément dans les romans africains achetés à Sendaga ; Céline révise son manuel de polonais avant le chantier auquel elle participera en août ; Pascal tente de lire enfin l’alchimiste, mais Nanie et moi n’arrêtons pas de le lui subtiliser pour en relire des passages… Clervie sort son discman de temps en temps ; en manque de musique, je lui emprunte le temps de deux chansons sourires : “J’en rêve encore” de De Palmas et “On ira” de Goldman… chanson de circonstance !
Oh belle, on ira,
on partira toi et moi,
Où ? je sais pas
Y’a que les routes qui sont belles
Et peu importe où elles nous mènent…
(Jean-Jacques Goldman)
A l’arrière du minibus, Fabienne scrute la route le regard dans le vide, Serigne s’est installé pour piquer un somme. Quant à Virginie et moi, nous avons observé une trêve dans la lutte pour la place du fond : c’est aujourd’hui son tour, elle en profite pour fumer sa petite clope à la fenêtre toutes les demi-heures. De mon côté, j’alterne siestes en travers de la banquette et contemplation des décors traversés ; je n’ai rien envie de lire, et les routes sénégalaises sont bien trop défoncées pour espérer rédiger le journal sur le trajet. Au Maroc, j’avais profité des étapes pour faire progresser le carnet de voyage, assis confortablement dans un grand bus climatisé sur de belles et larges routes. C’était un autre voyage, tout aussi enthousiasmant, mais si différent…
Bouilles de mômes
Petits marchands, petits mendiants… – Chaque arrêt de notre véhicule dans une ville étape est l’occasion d’un assaut de gamins. Ils n’ont souvent pas grand chose à vendre, quelques sacs d’eau fraîche ou de jus de fruits, quelques fruits… D’autres tendent simplement la main en espérant un cadeau, un stylo ou une pièce. Ils se pressent autour du minibus et cherchent à attirer notre attention à chaque fenêtre. J’évite de les ignorer et j’essaie de refuser poliment, mais chaque fois un vague sentiment de malaise et de culpabilité m’envahit…
Et au menu :
Mafé et… thé d’Amath – Je n’avais pas eu l’occasion de goûter celui très épicé de l’ancienne gare de St Louis qui avait fait des ravages, je me rattrape à Fatick en commandant mon premier mafé : un poulet servi avec du riz et une sauce à l’arachide (la première ressource agricole du pays) au goût terrible de cacahuète. Je profite parce que ce n’est pas en France que j’aurais m’occasion de me régaler au resto pour 4 francs !
Après le repas du soir, la fatigue du trajet a envoyé tout le monde au lit, et moi je déprime parce que je n’ai aucune envie de dormir ! Heureusement, je trouve Loïc et Amath à la terrasse de l’hôtel. Amath commence à préparer le thé rituel de fin de soirée… Deux heures et deux théières plus tard, je tombe littéralement de sommeil. Mais par respect pour la tradition, je lutte en attendant le troisième !
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