Ougadougou (Burkina Faso), 31 mars 2003
Je sais, Bush, Saddam et les bombes sur l’Irak vous en entendez parler toute la journée non-stop depuis 10 jours, radio, télé, journaux… Ben pas moi, c’est super dur de suivre les infos quand on est en brousse. Alors de retour à Ouaga, je me suis fait une revue de presse sur le web, et j’ai trouvé ça assez bien balancé… C’est fort, plutôt pertinent, candide et inutile, et ça n’arrêtera pas le conflit, mais ça fera peut-être réfléchir ceux qui se sont prononcé pour la guerre et ceux qui prennent les américains pour les sauveurs humanistes du monde. Si vous l’avez déjà reçu je m’en excuse !
Note : ce texte est parfois attribué à tort à un certain Bernard Law, cardinal archevêque de Boston et adressé à George Bush. Il s’agit en fait d’une version plus “directe” d’un sermon de l’évêque Robert Bowman prononcé le 23 Août 1998, intitulé A call to Prophecy (appel à prophètes) et s’adressait alors au président… Bill Clinton. L’actualité d’une telle lettre est étonnante, quand on sait qu’elle s’adressait à un autre président des Etats-Unis et qu’elle a été rédigée trois ans avant le 11 septembre, cinq ans avant le début de la guerre en Irak !
Dire la vérité au peuple, Monsieur le Président, au sujet du terrorisme !
Monsieur le Président,
Dire la vérité au peuple, Monsieur le Président, au sujet du terrorisme. Si les illusions au sujet du terrorisme ne sont pas détruites, alors la menace continuera jusqu’a notre destruction complète. La vérité est qu’aucune de nos nombreuses armes nucléaires ne peut nous protéger de ces menaces. Aucun système “Guerre des Étoiles” (peu importe la technique de pointe, ni combien de milliards de dollars seront gaspillés dans ces projets) ne pourra nous protéger d’une arme nucléaire transportée dans un bateau, un avion ou une voiture louée.
Aucune arme, ni de votre arsenal, ni un centime des 270 millions de dollars gaspillés chaque année dans le dénommé “système de défense” ne peut éviter une bombe terroriste. C’est un fait militaire. En tant que lieutenant- colonel à la retraite et dans de fréquentes conférences au sujet de la sécurité nationale, j’ai toujours cité le Psaume 33 : “Un roi n’est pas sauvé par son armée puissante, comme un guerrier n’est pas sauvé par sa vigueur”.
La réaction évidente est : “Alors que pouvons-nous faire ? N’existe-t-il rien, que nous puissions faire pour garantir la sécurité de notre peuple ? Si ! Mais pour entendre cela, il faut savoir la vérité sur la menace. Monsieur le Président, vous n’avez pas dit la vérité sur le “pourquoi” nous sommes la cible du terrorisme, quand vous avez expliqué pourquoi nous bombarderions l’Afghanistan et le Soudan. Vous avez dit que nous étions la cible du terrorisme, parce que nous défendions la démocratie, la liberté et les droits humains dans le monde. C’est absurde, Monsieur le Président.
Nous sommes la cible des terroristes, parce que, dans la plus grande partie du monde, notre gouvernement a défendu la dictature, l’esclavage et l’exploitation humaine. Nous sommes cible des terroristes, parce que nous sommes haïs, et nous sommes haïs, parce que nous avons fait des choses odieuses.
En combien de pays des agents de notre gouvernement ont-ils chassé des leaders par leurs peuples, en les remplaçant par des dictateurs militaires, des marionnettes désireuses de vendre leur propre peuple à des groupes américains multinationaux ? Nous avons fait cela en Iran, quand les Marines et la CIA ont déposé Mossadegh, parce qu’il avait l’intention de nationaliser l’industrie pétrolière. Nous l’avons remplacé par le Shah Reza Pahlevi et nous avons armé, entraîné sa garde nationale haïe, la SAVAK, qui a réduit à l’esclavage, brutalisé le peuple iranien, pour protéger les intérêts financiers de nos compagnies pétrolières. Depuis cela, est-il difficile d’imaginer qu’il existe, en Iran, des personnes qui nous haïssent ?
Nous l’avons fait au Chili, nous l’avons fait au Viet Nam. Plus récemment nous avons tenté de le faire en Irak. C’est clair ! Combien de fois l’avons-nous fait au Nicaragua et dans d’autres républiques en Amérique Latine ? Une fois après l’autre, nous avons destitué des leaders populaires, qui voulaient répartir les richesses de leur terre pour que le peuple les gère. Nous les avons remplacés par des tyrans assassins, qui vendaient leur propre peuple pour que -moyennant le paiement de sommes énormes pour engraisser leur compte bancaire privé – la richesse de leur propre terre puisse être accaparée par des sociétés telles que Domino Sugar, United Fruit Company, Folgers et d’autres semblables.
De pays en pays notre gouvernement a obstrué la démocratie, a étouffé la liberté et a piétiné les droits humains. C’est pour cela que nous sommes haïs dans le monde et c’est pour cela que nous sommes la cible des terroristes. Le peuple du Canada jouit de la liberté et des droits humains, ainsi que le peuple de Norvège et de Suède. Avez- vous entendu dire que des Ambassades canadiennes, norvégiennes ou suédoises aient été bombardées ? Nous ne sommes pas haïs parce que nous pratiquons la démocratie, la liberté et les droits humains. Nous sommes haïs parce que notre gouvernement refuse ces choses aux peuples du Tiers-monde, dont les ressources sont convoitées par nos groupes multinationaux.
Cette haine que nous avons semée, se retourne contre nous en nous effrayant par le terrorisme, et, dans l’avenir, par le terrorisme nucléaire. Une fois que la vérité a été dite sur les raisons de cette menace et une fois qu’elle a été entendue, la solution devient évidente. Nous devons changer nos pratiques. Nous libérer de nos armes nucléaires (même unilatéralement s’il le faut), améliorera notre sécurité. Changer drastiquement notre politique extérieure, la consolidera.
Au lieu d’envoyer nos fils et nos filles de par le monde, pour tuer des Arabes, en vue de prendre possession du pétrole qui existe sous leur sable, nous devrions les envoyer pour reconstruire leurs infrastructures, fournir de l’eau potable et nourrir les enfants affamés. Au lieu de continuer à tuer des milliers d’enfants irakiens tous les jours par nos sanctions économiques, nous devrions aider les Irakiens à reconstruire leurs centrales électriques, leurs stations de traitement des eaux, leurs hôpitaux, tout ce que nous avons détruit et ce que nous empêchons de reconstruire avec nos sanctions économiques… Au lieu d’entraîner des terroristes et des escadrons de la mort, nous devrions fermer l’École des Amériques. Au lieu de soutenir la révolte, la déstabilisation, l’assassinat et la terreur dans le monde, nous devrions abolir la CIA et donner l’argent dépensé pour elle aux organismes humanitaires. En résumé, nous devrions être bons au lieu d’être mauvais. Qui alors essaierait de nous arrêter ? Qui nous haïrait ? Qui voudrait nous bombarder ? C’est cela, Monsieur le Président. C’est cela que le peuple américain a besoin d’entendre.