Une Case et une journée bien remplies

N’Dangane > M’Bour > N’Dangane, vendredi 16 juillet 2010

La nuit a été fraîche, et le vent et la pluie rendent le réveil matinal (8h) encore plus difficile. Comme nous devons aller passer la journée à M’Bour, nous avons donné rendez-vous à Ameth à 8h30 au café touba, mais ce sera plutôt 9 heures. C’est le grand Go qui nous servira de chauffeur.

Nous passons par Samba Dia en empruntant la piste en latérite jusqu’à Joal. À M’Bour, nous déposons Babacar (le fils d’Ameth) chez lui, avant de nous rendre à “La Case”, le projet d’accueil des enfants talibés créé par les amis stéphanois.

Compte rendu de la visite du centre “La Case”

Entrée de la Case

La maison est un peu excentrée, mais très facile à trouver, bien indiquée par un panneau à l’entrée de la ville (nous arrivions de Joal). Nous avons été très bien accueillis en arrivant en milieu de matinée, à peine la voiture garée a été prise d’assaut. Quelques enfants sont venus nous entourer, se sont gentiment disputés nos sacs (nous avions deux sacs de fournitures diverses) et nous prendre la main… Nous avons ainsi été accompagnés jusqu’au “bureau” ou nous avons fait la connaissance d’Abdou (avec un maillot de la Juventus de Turin), qui était seul sur place ce jour-là.
Une trentaine d’enfants étaient là, certains occupés à laver leurs affaires, d’autres à jouer au foot dans la petite cour… Nous avons pu échanger un bon moment avec Abdou sur le fonctionnement de la Case, le déroulement des activités, le lien avec les daaras (écoles coraniques), avec le quartier… Son autorité semble bien posée, et sa relation avec les enfants très saine.

Ensuite nous avons eu le “rituel” d’accueil avec combats de lutte, séance djembés et danses puis grand match de foot au stade. Avec un grand classique cent fois rejoué, “les grands contre les petits”, (histoire de reproduire l’injustice de ce monde ?). Les grands ont gagné mais les petits étaient tout contents de leur avoir marqué un but !

Grand match sur le stade

Ceux qui n’avaient pas de maillot officiel sont restés sur le côté avec nous, à engager le dialogue avec vingt fois la question “no todou ?”, à jouer avec une balle… Claire s’est d’ailleurs fait une belle réflexion à ce moment-là en observant deux mômes lancer et relancer une balle contre un mur : dans leur petite vie compliquée, pendant une heure, cette balle était la chose la plus importante du monde, et a permis à ces deux mômes de vivre une heure de petit bonheur partagé. Comme tous ceux qui jouaient autour d’eux, avec un ballon de foot, une balle, ou quelques cailloux… Nous avons assisté à très peu de conflits, malgré la trentaine de garçons présents.

En partant pour le stade, certains ont attrapé leur maillot qui n’avait pas fini de sécher, et ont recommencé à le laver à peine rentré… Certains ont pris une douche et une inévitable bataille d’eau s’est engagée autour du robinet (jeu ou lutte réelle ? difficile de savoir dans quelle mesure cet accès à l’eau est pour eux un enjeu crucial).

Autour du robinet

C’est là que nous avons vraiment ressenti l’essence du projet de la Case : il ne s’agit pas de régler tous les problèmes des petits talibés, mais de leur offrir un lieu et plus encore, un temps pour respirer, jouer, vivre pleinement sa vie d’enfant, retrouver aussi une certaine dignité et une estime de soi. Ce matin-là, objectif bien rempli !

Un mot pour le livre d’or de la Case…

Nous avons ensuite rencontré madame N’Diaye chez elle, en compagnie de sa fille et d’une de ses amies qui animent à la bibliothèque de la Case. Une dame très agréable, qui nous a vanté les mérites d’Abdou “toujours présent et disponible”. Cheikh (l’autre animateur) était à Dakar.

Il nous semble que c’est vraiment l’espace qui semble faire le plus défaut en ce lieu d’accueil. La maison est bien pensée mais tous les lieux sont trop petits : les salles, le coin douche, la cour…
Il manque à notre avis une vraie salle polyvalente avec des tables, un ou deux points d’eaux supplémentaire. Offrir un espace plus grand et plus “fonctionnel” semble une priorité : soit en achetant la maison et une extension proche, soit… en investissant dans un nouveau terrain, avec construction à prévoir.

L’album photo de la Case

Ameth nous a rejoint à la fin du match de foot. Lorsque nous prenons congés de madame N’Diaye et d’Abdou, il nous guide jusqu’au marché des tissus de M’Bour (on a du boulot à filer à Baba). Nous en profitons aussi pour acheter un ventilateur pour le Mazet et faire un petit détour par le cyber “Orange Money”. En guise de repas, ce sera pain au raisin et lait caillé dans la voiture : trop bon !

Go a récupéré “sa femme”, nous rentrons par les tanns et la brousse au milieu des rôniers et des baobabs… un moment de rêve qui s’achève brutalement lorsque nous parvenons au terrain qui sert de décharge aux abords de N’Dangane Sambou. De retour au Mazet, mon premier réflexe est d’aller piquer une tête dans le Saloum, tellement je me sens moite, poussiéreux et crasseux.

Alors que nous débriefons la journée après la douche, le grand Go se pointe pour tenter de justifier des frais supplémentaires pour le trajet aller-retour jusqu’à M’Bour… et demande 5.000 CFA de plus. Je l’envoie gentiment promener (il peut commencer par demander à sa femme de payer le trajet retour !).

L’appel de la Gazelle du soir se fait sentir, nous retrouvons Pape Kane et Baba sur le chemin, ils nous accompagnent aux Piroguiers. Baba est très content et me dit fièrement : “Tu sais, aujourd’hui il y avait le courant, j’ai pu travailler toute la journée !” Nous passons une belle soirée autour de quelques grands sujets permettant des débats profonds : identité nationale, racisme, immigration, éducation de base… Nous quittons les Piroguiers dans une nuit profonde elle aussi (le soleil s’est couché et le courant est à nouveau coupé), pour aller déguster un sandwich omelette-patates au Tangana d’Ibrahima. Sur la route, nous croisons Bissane qui me rejoue son grand numéro de “mon chéri mon amour”, qui avait débuté lors de notre première rencontre en 2002 à Parcelles.

Épuisé par cette grande et belle journée, je me couche de bonne heure sans même avoir besoin d’allumer le ventilo tout neuf rapporté de M’Bour.

« En terrain connu…

Jour de fête (mais pas pour nous) »»