Bénin express, terminus

Bamako (Mali), 4 août 2008

Voilà, j’ai rendu son indépendance au Bénin depuis le 1er août… jour de la fête qui commémore l’Indépendance du pays. J’aurais passé une petite semaine là-bas, qui valait le coup, malgré un long trajet de 4000 km entre Bamako et Cotonou (aller-retour), semé d’embûches !

Évidemment, il y a des tas de trucs que je n’ai pas pu faire en une semaine au Bénin, par manque de temps, de budget ou de folie. Je n’ai pas mis les pieds dans les deux parcs nationaux du nord du Pays. Je n’ai qu’entr’aperçu le pays Somba sans pouvoir arpenter ses collines. Je ne suis pas allé me perdre dans les villages de brousse du pays bariba. Je n’ai pas vu les palais ancestraux des rois d’Abomey, ni la cité lacustre de Ganvié. Je ne me suis pas baladé en pirogue sur la lagune du fleuve Mono à Grand-Popo. Je n’ai pas dormi dans les cases coincées entres les cocotiers et les rouleaux de l’océan furieux.. ni même sous les étoiles. Je n’ai pas suivi la “route des pêches” qui longe une plage de… 30 kilomètres entre Cotonou et Ouidah. Je n’ai pas pu prendre le train entre Cotonou et Parakou (il était HS). Je n’ai pas eu la chance d’ assister à une cérémonie rituelle de “vaudoun”… ni au défilé de la fête de l’Indépendance, donc. Tant mieux au fond, cela suffira à justifier un second voyage, qui m’aime me suive !…

En attendant, j’ai tout de même passé une semaine très sympa dans un pays vraiment très attachant. C’est un peu rapide pour se faire une idée du pays en profondeur, mais j’ai effectué un circuit minimal avec toutes les étapes que je m’étais fixées : Natitingou, Parakou, Cotonou, Ouidah, Grand Popo (en restant sur les grands axes desservis par les cars et les taxis-brousse). Partout, j’ai croisé des enfants et des gens adorables, qui m’accueillaient à coup de “yovo, yovo” (le blanc, en fongbé). J’ai (encore) croisé un de ces anges gardiens qui accompagnent mes aventures africaines : un gars qui m’a sauvé de l’orage, m’a aidé à trouver une auberge dans la nuit… puis m’a baladé en moto toute une matinée dans Parakou, de l’auberge au musée artisanal, en passant par le grand marché, le quartier des fétichistes vaudous, jusqu’à la gare routière où il s’est éclipsé en disant simplement “bon, on garde le contact…” (il a même refusé que je le dédommage pour le carburant !). Je me suis bien baladé, à pied, en taxi-brousse (battant un nouveau record, à 12 dans une 505 même pas break : 3 hommes devant, 3 femmes, cinq enfants et un bébé sur la banquette arrière !!!), en zem à Cotonou (c’est le nom des… 90.000 moto-taxis qui sillonnent la ville) ou à Ouidah (à 4 sur une moto avec deux gamins entre la chauffeur et moi). J’ai visité des marchés, goûtant aux spécialités locales : la pâte de maïs, évidemment (bof…) mais aussi le “tchapalo” (boisson fermentée à base de maïs) et le jus de manioc, le “wagassi”(fromage de vache qui ressemble à la mozzarella), les avocats, les alokos et les mangues évidemment… Je me suis aussi tapé quelques béninoises (du calme, c’est le nom de la bière locale !). J’ai suivi la route des Esclaves à Ouidah jusqu’à la porte de non-retour qui donne sur une plage magnifique d’où on a embarqué un miilion d’africains… (ce qui ne m’a pas empêché de me baigner dans les rouleaux furieux : c’était pas de ma faute !). J’ai vu de nouveaux paysages africains (bien loin du Sahel) et apprécié la folle végétation de ce pays, champs de maïs, cocotiers, palmiers, bananiers…

J’ai surtout rencontré mon filleul et sa famille, passant un jour et demi chez eux à Ouidah. J’ai parrainé Rodolpho de 2003 à 2007 avec l’association Aide et Action, versant une contribution mensuelle qui profite à toute la communauté éducative, et échangeant avec lui quelques lettres, dessins, photos. Des amis avaient rencontré sa famille en 2004, promettant mon arrivée à une date indéterminée ! Je suis parti un peu tendu ce matin-là, j’avais peur de ne pas le trouver, peur aussi d’une rencontre moins forte que celle que j’avais vécue au Niger en 2003 avec mon précédent filleul… J’avais alors été accueilli par tout un village et une communauté, mon arrivée avait été annoncée et préparée comme un immense événement par Aide et Action, et j’avais été le roi de la fête pendant une semaine en tant que premier blanc à résider une semaine dans ce village de brousse !

Ce ne fut pas moins fort, mais très différent ! Ouidah est une ville, un lieu mémoire de l’esclavage, avec une très belle plage, donc les “yovos” (les blancs), ils en voient passer plus souvent que dans le village de brousse du Niger. L’autre différence majeure, c’est qu’ici j’ai débarqué sans prévenir, sans même savoir si j’allais trouver la famille dans cette ville de 92.500 habitants… En fait j’ai trouvé en cinq minutes, rien qu’en donnant le nom du quartier et en disant que je cherchais un menuisier du nom de Dossou-Yovo (le père de mon filleul). Trop simple ! Le père était dans son atelier, il a tout de suite compris qui j’étais et il m’a répété au moins cinquante fois dans un excellent français “vraiment je suis content…” Quand on est arrivés à la maison, Rodolpho (mon filleul) a déboulé dès qu’il a compris que c’était moi et il m’a carrément sauté dans les bras en criant “Cyril est venu, Cyril est venu !!” (c’est un grand garçon de 13 ans qui se porte bien).

Moi qui me demandais avant de venir si ce rapport parrain-filleul avait du sens pour lui, si j’étais “identifié”, j’ai été estomaqué !… J’étais clairement connu par toute la famille, attendu et espéré ici depuis cinq ans ! Le gros “plus” par rapport au Niger, c’est que j’ai pu communiquer et échanger vraiment avec mon filleul et les membres de sa grande famille (celui du Niger était beaucoup plus introverti et n’osait pas parler français).
La bonne nouvelle dont je n’avais pas été informé, c’est que Rodolpho a obtenu son CEP (Certificat d’Etudes Primaires), à la troisième tentative : l’association Aide et Action avait mis fin au parrainage en 2007 après ses deux premiers échecs. Nous ne correspondions donc plus depuis un an. Il a gagné le droit de faire 4 km à pied matin et soir pour aller et revenir du collège… La mauvaise nouvelle ? Quand il sera grand, il veut devenir militaire

Après une nuit dans la maison familiale et une journée passé avec Rodolpho et son jeune frère sur la plage de Grand Popo, j’ai pris congé. Je ne voulais pas remanger de la pâte de maïs… et puis la vie à la maison avec les huit enfants (4 de la famille et 4 “cousins ou apparentés”) dans la pièce principale qui sert de lieu de vie, c’est très sympa et vivant, mais un peu fatigant… surtout quand on est le centre d’attention privilégié – et permanent ! Je suis parti avec un très beau cadeau, un petit tabouret en bois sorti de la main de François, le papa de mon filleul (juste un peu encombrant avec le trajet qu’il me restait à parcourir !).
Je suis revenu goûter au calme des Lucioles, la maison familiale de mes hôtes à Cotonou, un couple super sympa et une famille adorable, dans un quartier paisible à l’entrée de la ville. Encore une bonne adresse et un très bon plan !

Voilà déjà un mois de voyage “solitaire” que je me sens ainsi accompagné et porté par cette bonne étoile, qui me guide vers les bonnes adresses et les belles rencontres, et me protège de toutes les galères (sauf celles que je choisis délibérément !).

Et le lendemain, j’ai à nouveau taillé la zone… 2000 km en trois jours et trois étapes. Jeudi Cotonou-Tanguieta (10 heures de car), vendredi Tanguieta-Ougadougou (4 heures de taxi-brousse et 4 heures de car), samedi Ougadougou-Bamako (20 heures de car en arrivant à 2 heures du matin). Dit comme ça, ça fait pas rêver, mais cette fois j’ai trouvé chaque soir un endroit pour prendre une douche, manger et bien dormir… J’ai même eu le temps de me taper une Ouagalaise au Burkina (du calme, c’est le nom d’une galette au mil et au Sorgo avec la viande hâchée !).
Quand on choisit les bonnes compagnies, ça se passe nettement mieux. C’est moins long et moins pénible, mais c’est plus ennuyeux aussi : on a moins d’occasions d’échanges sans ces incidents qui donnent le sel et la vie à un groupe de voyageurs plantés dans une galère commune… C’est le problème des voyages sans histoires : y’a rien à raconter !

Me voici donc à Bamako depuis deux jours, en mode repos total. Ce soir arrivent Karine et ma cousine Muriel, avec lesquelles je débute dès demain un très beau circuit malien de 16 jours concotée par une agence locale (Mali aventures) : je vais revoir Djenné, Mopti et le pays dogon, je vais découvrir Ségou et Hombori, je vais surtout aller à Gao et naviguer en pinasse sur le fleuve Niger, jusqu’à mon rêve, Tombouctou la mystérieuse ! Tout est prévu, transports, repas, hébergement et visites, alors je vais enfin pouvoir me laisser porter totalement, et commencer à partager cette fabuleuse Afrique…

Au fait, Aide et Action m’a informé il y a quelques mois que j’avais un nouveau filleul… en Guinée (Conakry) : chouette, encore un prétexte pour aller voir un nouveau pays, et ajouter de nouveaux tampons à mon passeport africain !

Bon courage à ceux qui bossent (ou qui réparent leur maison), et bonnes vacances à ceux qui bronzent ou vont aller bronzer au soleil de Bonne Anse, en Guadeloupe, au Sénégal… ou chez nous aux Goudes !!