De Bignona à Carabane, 27 juillet 2010
A nous Carabane ! Voilà plus de dix ans que je rêve de poser le pied sur cette île de Casamance, suite à quelques échanges électroniques avec le webmaster du site Kassoumay.com. Envie de sortir des sentiers battus, de découvrir un nouvel endroit au Sénégal, qui ne soit ni Pikine, ni N’Dangane, ni Bignona… Envie d’une fin de séjour sereine, de vraies vacances, au calme, sur une île posée au bord du fleuve Casamance.
Et ça commence plutôt bien : réveil collectif à 7h, arrivée à la gare routière de Bignona et départ quasi-immédiat pour Ziguinchor vers 8h en taxi “7 places”, arrivée à Zig’ vers 8h30. Pape fait le trajet avec nous.
C’est au guichet de la gare maritime que nous recevons la première claque de la journée : le ferry qui doit partir de Ziguinchor pour Dakar dans 48 heures est complet ! Impossible de réserver, donc pas de retour possible en ferry… Nous ne pourrons pas vaquer tranquillement sur le pont du Aline Sitoe Diatta en profitant de la beauté de la Casamance, de la côte sénégalaise, et de l’entrée dans le port de Dakar au petit matin.
Et au lieu d’une croisière de vingt heures, c’est un nouveau trajet pénible de 10 heures en taxi-brousse qui nous attend entre Ziguinchor et Dakar, avec une nouvelle traversée de la Gambie au programme !
Je suis déçu et très contrarié de ne pas avoir davantage anticipé ce voyage : deux jours avant, c’est trop tard ! Trop l’habitude du Sénégal sans doute, où en dix ans je n’ai jamais réservé un billet à l’avance… Mais le drame du Joola est passé par là, et les Sénégalais ont découvert avec ce nouveau ferry un outil magnifique et fonctionnel ; ils ont aussi appris la nécessité de réserver pour avoir une place garantie. Qui dira encore que le Sénégal ne change pas ?
Je digère ma frustration en même temps que j’avale un petit déjeuner à la gare routière de Ziguinchor. Très vite, nous attrapons un nouveau “7 places” en direction d’Elinkine. La route est nickel, il n’est pas encore 10h30 lorsque le taxi nous dépose à l’embarcadère : Carabane n’est plus qu’à une portée de pirogue…
La suite est plus classique : il n’y a pas de pirogue pour Carabane, à ce moment-là. Évidemment, ni horaires, ni informations. Il faut attendre un peu, patienter, attendre encore…
Heureusement, l’endroit est plutôt très vivant et ça bouge pas mal autour du grand fromager qui trône au bord de l’embarcadère. Les taxis vont et viennent. Des mômes s’amusent de notre présence. Le muezzin donne de la voix à l’heure de la prière.
Il y aussi un grand camion, semblant appartenir à une organisation humanitaire, qui décharge des énormes sacs remplis de plants de palétuviers. Sur le camion, cet amusant slogan : “Deviens un super-héros : plante ton arbre !”
Plante ton arbre ! est une opération massive de reboisement de la mangrove initiée par l’Océanium de Dakar, un organisme au sein duquel agit notamment l’écologiste sénégalais Haïdar El Ali. Je l’avais découvert il y a quelques années dans une émission de Yann Arthus-Bertrand qui présentait son combat pour la mangrove.
Des pêcheurs de raies viennent de revenir et déposent leurs prises (immenses !) sur la plage. Plusieurs personnes présentes ont un parapluie ouvert pour se protéger du soleil, parce qu’il fait vraiment très chaud, très lourd même.
Le temps vire d’ailleurs à l’orage, le ciel noircit rapidement et les premiers grondements de tonnerre retentissent. Nous nous mettons à l’abri dans une petite gargotte toute proche. Bientôt, des trombes d’eau s’abattent sur Elinkine, les passants se mettent à courir dans tous les sens à la recherche d’un abri.
Quant aux enfants, ils choisissent de danser et courir sous la pluie en poussant des cris de joie !…
La pluie s’est arrêtée lorsque la pirogue pour Carabane est annoncée, enfin. Nous sommes une trentaine à embarquer. Après un détour par un poste militaire où sont contrôlés nos passeports, nous faisons route vers le village de Carabane, situé sur l’île qui porte son nom (ou le contraire)… et la pluie reprend de plus belle. Bichetteka a le temps de sortir son k-way, mais entre les éclaboussures de la pirogue et le déluge, nous sommes rapidement trempés jusqu’aux os, comme tout le monde à bord.
Lorsque notre embarcation ralentit à l’approche du village, je comprends que nous ne serons pas déposés sur la plage au sec : il faut sauter dans l’eau ! Nous sommes à une quinzaine de mètres du bord, il y a un bon mètre de fond. Je me jette à l’eau en essayant de garder au sec l’appareil photo et les sacs, comme je peux. Après toute cette pluie, je trouve l’eau du fleuve plutôt chaude.
Je suis tout de même content de mettre pied à terre, j’ai froid (“degueuleu waï”, c’est vrai quoi !), je rêve d’une bonne douche et de me poser enfin…
Nous trouvons rapidement le campement Badji Kunda qui donne sur la plage. Malheureusement, il est totalement désert et il n’y a personne à l’accueil. Enfin un gars arrive, nous pouvons poser les sacs et commencer à faire sécher quelques affaires. Je file sous la douche.
Je commence à peine à me détendre sous le filet d’eau tiède, quand celui-ci se transforme bientôt en coulée de boue ! (En raison de la faible fréquentation touristique, la cuve d’eau potable n’avait pas été remplie et c’est le dépôt du fond de cuve qui a été aspiré…). Je pousse un cri de dégoût, Bichetteka arrive en courant en se demandant ce qu’il se passe, et elle éclate de rire en voyant ma tête couverte de boue par-dessus la porte. Je lui demande de trouver une solution, mais je n’en vois qu’une seule : je renfile rapidement mon maillot de bain, et je vais piquer une tête dans le fleuve pour me débarrasser de cette merde !…
Enfin “propre” et sec, je pars avec Claire à la découverte du village de Carabane alors que la lumière commence à décliner en cette fin d’après-midi. La plage est magnifique, des palmiers et un très beau flamboyant complètent ce décor de rêve.
Derrière la plage, quel calme ! Il faut dire que les grosses pluies du jour ont laissé de belles flaques partout sur les chemins, et les habitants semblent avoir décidé de rester à l’intérieur. En-dehors des chèvres et des cochons errants, nous ne croisons presque personne. L’immense esplanade déserte autour de l’église désaffectée (vestige colonial) nous donne le sentiment d’être dans un village-fantôme…
Nous revenons en direction du campement au crépuscule, sous un magnifique ciel aux teintes roses et mauves qui ajoute à cette étrange ambiance.
Les pieds dans le sable au bord de l’eau à la nuit tombée, nous savourons une bonne Gazelle en repensant à cette – deuxième – folle journée en Casamance.
Dans la soirée, une française amie du gérant de notre campement vient discuter avec nous un moment pour évoquer une possibilité d’excursion vers Niomoune le lendemain. Les possibilités de déplacement semblent assez réduites : il y a peu de pirogues publiques et pour louer une pirogue en excursion à la journée, c’est 70.000 CFA… nous déclinons poliment. Demain sera un autre jour !