Que du bonheur !

Mailing “Listafrica'” n°1, Fès, 26 septembre 2002

J’ai tout. Chaque matin j’ouvre les yeux et je me découvre milliardaire. La vie est là, discrète, bruyante, colorée, petite, immense. Le chaos, le ciel, et les étoiles ont bâti cette merveille pour moi, pas que pour moi, bien sûr, mais est-ce ma faute si je sais reconnaître un cadeau, est-ce ma faute si je ne fais pas grise mine devant ce trésor, est-ce ma faute si je n’ai pas le goût de faire le tri et si tout me vient comme une chance ?… (Christan Bobin, Geai)

L’estomac blindé par un couscous marocain “bon comme là-bas”, Philou et moi squattons notre premier cyber-café, à l’issue d’une journée fabuleuse. Nous avons finalement décidé de passer par l’intérieur plutôt que par la côte avant de rejoindre Rabat demain. Ce soir nous sommes à Fès, à mes yeux la plus belle ville du Maroc… Déjà visitée trois ans plus tôt, mais le charme agit toujours !

Comment résumer ces quatre premiers jours de périple ? Une expression suffira : que du bonheur !

LUNDI 23
Que du bonheur, le bruit des vagues sur les rochers à Collioure au petit matin après 4 heures de route …
Que du bonheur, le réveil le matin sur la plage de Llancia (Espagne), face au soleil se levant sur la mer, après avoir traversé notre première frontière 15 kms avant…
Que du bonheur, l’accent espagnol dans la bouche des autochtones, et la redécouverte laborieuse d’une langue si peu parlée depuis le bac !

MARDI 24
Que du bonheur, la descente très roulante vers le sud de l’Espagne, les montagnes de la région d’Almeria et la Costa del Sol…
Que du bonheur, la soirée de folie passée à la terrasse d’un pub de Torremolinos (près de Malaga), autour de quelques bières et de quelques chansons partagées avec un couple de retraités anglais, des serveuses danoises, un patron espagnol et un groupe de jeunes irlandais…
Que du bonheur, les petits déj au Nutella avec les gens qui louchent sur notre pot de 3 kilos… Pot qui n’a pas bougé d’un poil en deux jours malgré les grosses épaisseurs qui couvrent nos tartines chaque matin !

MERCREDI 25
Que du bonheur, la vision des premiers contours africains sur la route extraordinaire entre Algeciras et Tarifa, le détroit de Gibraltar jamais vu comme ça !
Que du bonheur aussi, la visite de Tarifa (ville magique évoquée dans l’alchimiste, à la pointe sud de l’Espagne) et la baignade dans une eau turquoise, en regardant les côtes marocaines avec les yeux qui brillent…
Que du bonheur, les trente minutes de trajet en ferry entre Algeciras et Ceuta, en regardant tout le long s’éloigner le rocher de Gibraltar… et du bonheur encore en ouvrant grand les yeux en découvrant le port de Ceuta : l’Afrique !
Que du bonheur, la traversée des premiers villages marocains, cette étrange sensation de revenir dans ce pays qui m’avait tant émerveillé lors de mon premier séjour !
Que du bonheur, la première tajine de poulet au citron, précédent une nuit sous les étoiles au coeur des montagnes marocaines…

JEUDI 26
Que du bonheur, la route de Chefchaouen à Fès via Ketama (la région des cultivateurs de haschich !), toute la journée passée à traverser les montagnes du Moyen Atlas, les forêts de cèdres et les champs d’olivier… Toute la journée aussi à dire “We don’t smoke (on ne fume pas)” ou “No hakik” aux revendeurs des bords de route qui nous en proposent tous les kilomètres pendant plus de cent bornes !
Que du bonheur, les rencontres au détour des chemins, les coucous des gamins à notre passage, les sourires et les poignées de mains avec les autochtones, les photos et les échanges d’adresses avec la promesse d’envoyer les clichés…
Que du bonheur, les invitations “chez l’habitant”, les minutes passées à savourer l’immense hospitalité des marocains, pour partager un thé à la menthe, un oeuf au cumin ou un morceau de pain trempé dans l’huile d’olive…
Que du bonheur à rencontrer leurs petites familles, à photographier leurs gamins et à visiter leurs maisons (où l’on découvre parfois 3 tonnes de plants de cannabis en train de sécher ! Le business local…)
Que du bonheur, l’émotion particulière de l’arrivée sur Fès, les yeux à la recherche d’images connues et de souvenirs…
Que du bonheur encore, la rencontre en fin d’après-midi au camping de Fès avec un anglais qui oeuvre pour une ONG médicale pour l’Afrique et avec qui nous évoquons largement nos voyages respectifs…
Que du bonheur enfin, le couscous royal dégusté il y a quelques minutes !

Voilà, inutile de vous dire que l’appareil photo a déjà largement crépité, et que mon carnet d’adresses s’est déjà enrichi de nouveaux contacts du Maroc jusqu’à l’Angleterre… En revanche, nous n’avons encore guère eu le temps de gratter nos carnets de voyages qui ne se résument pour l’instant qu’à des prises de notes quotidiennes. Les journées passent trop vite, il y a tant de choses à voir et à vivre !

La cohabitation avec mon copilote se passe à merveille, nous parvenons à bien accorder nos violons pour profiter de tout et comme nous apprécions tous les deux nouer des contacts avec les gens du coin, les rencontres sont nombreuses et riches !
Quant à Titine, notre Renault Express est “grave en cannes” pour reprendre une expression de Philou : déjà plus de 2000 kilomètres et pas un souci, pourvu que ça dure. Demain matin, je replongerai avec délectation dans la médina de Fès pour parcourir les souks avec l’ami Philou, puis nous reprendrons la route de Rabat, puis Essaouira et ensuite, le désert…

(Si vous voulez nous suivre “à la trace”, mon frère Lolo-Gaz’ retranscrit sur le forum des zinzins – sur www.cy-real.com – tous les SMS que nous lui envoyons quotidiennement… Merci Lolo !)

Prenez soin de vous et à bientôt de je ne sais où pour de nouvelles aventures…

Cy-real